mardi 25 mai 2010

Le bilan des victimes américaines en Afghanistan franchit le cap des mille morts



Mondialisation.ca, Le 25 mai 2010



L'énorme attentat suicide à la bombe qui a frappé mardi à Kabul un convoi de l'OTAN a coûté la vie à cinq nouveaux soldats américains, un officier canadien et une dizaine de civils afghans.

L'attaque a démontré l'échec de plus de huit ans d'occupation dirigée par les Etats-Unis, sans parler de l'échec du gouvernement fantoche du président Hamid Karzai de sécuriser au moins le centre de la capitale afghane. L'attaque a aussi marqué une étape sombre pour les forces américaines en portant à 1.000 le nombre total de soldats morts en action dans l'opération « Enduring Freedom ».

Il y a peu de doute pour que le gouvernement Obama, tout comme la Maison Blanche de Bush avant lui, tentera de passer rapidement sur la signification de ce nombre de victimes. Un porte-parole de la Maison Blanche a publié mardi un bref communiqué louant les forces militaires américaines pour leur « sacrifice extraordinaire » mais sans faire mention toutefois que le nombre d'Américains tués dans cette guerre était passé à 1.000.

De tels chiffres, ont toutefois une énorme signification et appellent à une sérieuse réflexion. Derrière ces chiffres se cachent les membres des familles et des proches, sans mentionner les dizaines de milliers d'autres soldats américains dont la vie a été brisée par des blessures physiques terribles et le bilan psychologique considérable les affectant après plusieurs périodes au front à combattre une population hostile dans le cadre d'une armée d'occupation.

En 2009, 17.538 personnels militaires ont été hospitalisés en raison de troubles psychiques et 11.156 pour handicaps et blessures de guerre. « La guerre est difficile. Elle exige ses morts, » a fait remarquer le chirurgien général de l'armée, le lieutenant-général Eric Schoomaker.

Sans aucun doute, la même chose peut être dite de toutes les guerres. Mais, quand des soldats sont envoyés pour tuer et pour mourir dans une guerre fondée sur des mensonges, une guerre dont les coûts humains sont camouflés par le gouvernement et des médias serviles et une guerre qui est menée pour réprimer la résistance populaire envers une occupation étrangère, ce bilan psychologique est fortement aggravé.

Pourquoi les 1.000 soldats américains sont-ils morts? Qu'est-ce qui a justifié la destruction du corps et de l'esprit de plusieurs milliers d'autres ? Et, qu'est-ce qui peut excuser la mort et la mutilation de dizaines de milliers d'Afghans au cours de ces 103 derniers mois dans cette guerre qui est la deuxième guerre la plus longue de l'histoire des Etats-Unis ?

Les affirmations du gouvernement Obama -réitérant les mensonges de Bush et de Cheney - que l'impérialisme américain lutte en Afghanistan pour empêcher une autre attaque terroriste sur le sol américain ont été discréditées par les commandants militaires eux-mêmes, évaluant que pas plus que 100 membres d'Al Qaïda sont en opération dans le pays et reconnaissant que leurs efforts contre-insurrectionnels visent directement la résistance autochtone.

Bref, c'est une guerre sale de style colonial consistant en un genre d'opération de pacification que les forces américaines avaient menée contre les Indiens ( Native Americans) au 19ème siècle ou contre les Philippins ou les Haïtiens au début du 20ème siècle. Elle implique des pratiques criminelles coutumières aux armées de France, du Portugal et de Grande-Bretagne, dans leurs tentatives d'écraser les mouvements anticoloniaux en Afrique, en Asie et au Moyen-Orient.

Les soldats américains meurent pour soutenir le régime fantoche d'Hamid Karzai qui représente un groupe de seigneurs de guerre et de trafiquants d'héroïne brutaux à la solde de la CIA mais, selon les propres enquêtes menées par l'armée américaine, qui ne bénéficient nulle part dans le pays d'une base significative de soutien populaire.

Et, en dernière analyse, ils meurent pour la poursuite d'une stratégie - élaborée bien avant le 11 septembre - qui vise à établir une hégémonie militaire américaine sur les approvisionnements énergétiques et les voies d'acheminement par oléoducs du pétrole revêtant une importance immense pour les pays avoisinant l'Afghanistan - notamment, la Chine, la Russie, l'Iran, le Pakistan et l'Inde.

Cette stratégie vise à bénéficier à une minuscule élite financière dirigeante aux dépens de la population laborieuse non seulement en Afghanistan mais aussi aux Etats-Unis. Dans des conditions où il est dit à la population laborieuse qu'il « n'y a pas d'argent » pour faire face au chômage, à la pauvreté et à la détérioration des conditions sociales, le Congrès, qui est contrôlé par les Démocrates, se prépare cette semaine à voter une requête « d'urgence » de fonds supplémentaires de 59 milliards de dollars pour financer la guerre en Afghanistan et son intensification.

D'ici l'été, suite à l'intensification (« surge ») du gouvernement Obama, le nombre des troupes américaines occupant l'Afghanistan sera le triple de ce qu'il était au moment du départ de George W. Bush. Loin de sécuriser le pays, la présence accrue de l'armée américaine n'a fait qu'entraîner une intensification constante de la violence et du nombre de morts.

Selon un rapport publié par l'organisme d'audit (GAO) américain, l'armée d'occupation menée par les Etats-Unis a été soumise en moyenne à plus de 40 attaques par jour en mars, soit le double du mois de mars 2009.

Entre-temps, même selon les estimations ridiculement basses du Pentagone, le nombre des civils non armés, la majorité étant des femmes et des enfants, tués durant les attaques aériennes nocturnes, les bombardements, les fusillades au point de contrôle par les forces d'occupation menées par les Etats-Unis et les fusillades depuis des voitures par des convois américains ont également doublé au cours du premier trimestre de cette année, par rapport au chiffre enregistré durant la même période de l'année dernière.

L'ampleur de la saignée devrait augmenter fortement compte tenu que la résistance lancera sa propre offensive d'été et que l'armée américaine est en train de projeter le siège de Kandahar, une ville approximativement de la taille de Detroit et qui est un bastion des Taliban. Dans sa déclaration de la semaine passée selon laquelle l'armée américaine n'avait pas l'intention de « détruire Kandahar en cherchant à sauvegarder Kandahar », la secrétaire d'Etat américaine Hillary Clinton n'a guère été rassurante.

L'hostilité contre cette guerre d'une grande partie de la population aux Etats-Unis ainsi que contre l'occupation prolongée de l'Irak, née sous le gouvernement Bush et qui s'est poursuivie sous Obama, n'a pas disparu. Elle ne peut cependant pas trouver d'expression au sein des deux grands partis pro-patronaux ou dans les médias de masse qui reprennent en grande partie la ligne officielle selon laquelle les Etats-Unis mènent une « guerre juste » en Afghanistan.

Il n'y a pas de doute quant au sentiment largement répandu qu'on ne peut rien faire dans le cadre de la configuration politique actuelle, surtout après maintes élections lors desquelles la masse des gens est allée voter pour exprimer son opposition à ces guerres, et élire, en 2008 comme président, Barack Obama qui avait fait appel à ces sentiments pour prendre le pouvoir et intensifier dramatiquement l'agression militaire américaine à la fois en Afghanistan et au Pakistan.

L'expérience de 15 mois de gouvernement Obama a également révélé la faillite de la perspective des organisations de protestation anti-guerre de la classe moyenne qui avaient affirmé que l'on pouvait s'opposer à la guerre en soutenant les Démocrates contre Bush. Le gouvernement Bush n'est plus, les Démocrates contrôlent les deux chambres du Congrès et les crimes de guerre continuent. Pour ce qui est des organisations de protestation, elles sont en grande partie devenues inactives pour s'être adaptées au programme « progressiste » d'Obama.

Une lutte véritable contre la guerre ne peut être menée que par le développement d'un mouvement socialiste indépendant de la classe ouvrière contre le système capitaliste de profit qui est la source du militarisme.

Ce mouvement doit exiger le retrait immédiat de toutes les troupes américaines et autres troupes étrangères du Moyen-Orient et d'Asie centrale. Il doit également lutter pour le démantèlement de la machine de guerre américaine et la réorientation des milliers de milliards de dollars de dépenses militaires vers le paiement de réparations aux populations dévastées par les guerres d'agression américaines et le règlement de la crise sociale grandissante à laquelle est confrontée la population laborieuse aux Etats-Unis mêmes.



Article original, WSWS, paru le 19 mai 2010.

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