vendredi 23 avril 2010

Le CPJ publie son Index de l’Impunité de 2010 : l’Irak et la Somalie arrivent en tête de liste


Les défenseurs de la liberté de la presse se sont rencontrés cette  semaine à New York et ont uni leurs forces pour combattre la culture  d’impunité dans le monde.
Les défenseurs de la liberté de la presse se sont rencontrés cette semaine à New York et ont uni leurs forces pour combattre la culture d’impunité dans le monde.
via CPJ

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Douze pays où les journalistes sont régulièrement assassinés et où les gouvernements négligent de faire enquête sur les crimes et d’en rechercher les auteurs figurent en bonne place sur l’Index de l’Impunité dressé par le CPJ pour 2010. La compilation a été rendue publique cette semaine afin de coïncider avec un sommet international sur l’impunité qui a lieu à New York, où les défenseurs de la liberté de la presse et des journalistes se rassemblent pour discuter de stratégies afin de faire cesser la violence contre la presse.

En créant l’index, le CPJ s’est penché sur les meurtres de journalistes à travers le monde entre 2000 et 2009. Les cas sont considérés comme non résolus lorsque aucune condamnation n’a été obtenue. Les pays qui comptent cinq cas et plus non résolus sont inclus dans l’index. Cette année, ce critère sert à désigner 12 pays.

Tout au haut de la liste se trouvent deux pays aux prises avec un conflit : l’Irak, qui recense 88 meurtres de journalistes non résolus depuis les dix dernières années; et la Somalie qui arrive au second rang, à cause du règne de terreur que les insurgés font vivre aux médias. Les militants ciblent particulièrement les journalistes de la radio indépendante de Somalie, qui courent donc des risques accrus en raison d’un gouvernement fédéral faible, qui ne parvient pas à poursuivre les suspects.

Dans certains pays, la culture d’impunité a poussé les journalistes à l’exil ou à pratiquer l’autocensure pour survivre. Le Sri Lanka se classe au quatrième rang de l’index, avec 10 meurtres non résolus; un grand nombre de ses journalistes d’expérience ont quitté le pays. Des journalistes sri-lankais ont été attaqués à cause de leur couverture de la guerre civile, des droits de la personne, de la politique, des affaires militaires et de la corruption. Au Mexique, l’autocensure est tellement répandue que des événements majeurs ne sont même pas rapportés. Aussi, l’incapacité du gouvernement mexicain à freiner la brutalité des cartels de la drogue a hissé le pays de deux rangs dans la liste.

La Russie arrive au huitième rang avec trois journalistes assassinés en 2009, ce qui porte à 18 le nombre des meurtres non résolus dans le pays au cours des dix dernières années. Sergeï Sokolov, rédacteur en chef adjoint du journal indépendant « Novaïa Gazeta » de Moscou, qui a assisté au sommet, a déclaré que l’attention internationale sur l’impunité change tout parce que « la pire chose du monde, c’est de se sentir isolé ».

La Colombie et le Brésil, toutefois, ont connu d’importants progrès dans la réduction de la violence mortelle dirigée contre les journalistes et dans la poursuite en justice des tueurs. Au cours des trois dernières années, un seul journaliste colombien a été tué pour des raisons liées à son travail. Et le Brésil s’est arrangé pour sortir complètement de l’index en « enquêtant et en poursuivant les auteurs de ces crimes ». Les procureurs ont remporté récemment des condamnations contre quatre individus, dont trois membres de la police militaire.

« Notre but en compilant cet index est d’encourager les leaders de ces nations à passer à l’action », dit le CPJ. « Un grand nombre de ces cas sont solubles - les auteurs ont été identifiés, mais les autorités n’ont pas la volonté politique d’intenter des poursuites. »

Les constatations du CPJ montrent que l’impunité concernant les crimes commis contre les médias est vraiment forte en Asie du Sud, où le Sri Lanka, l’Afghanistan, le Népal, le Bangladesh, le Pakistan et l’Inde figurent sur la liste. À travers le monde, plus de 90 pour 100 des victimes sont des reporters locaux qui couvrent la scène judiciaire, les affaires de corruption et la sécurité nationale. En Afghanistan toutefois, la plupart des journalistes tués étaient des reporters internationaux. L’index rapporte également que les menaces faites contre les journalistes constituent des indicateurs importants; quatre journalistes sur dix assassinés avaient reçu des menaces avant d’être tués.

Le taux de l’impunité aux Philippines a monté en flèche, le pays est passé du sixième au troisième rang avec le meurtre, en novembre, de 30 journalistes et de deux travailleurs de soutien aux médias dans la province de Maguindanao. Les autorités ont inculpé près de 200 personnes en rapport avec ce massacre, dont des dirigeants politiques locaux. Mais l’impunité reste profondément ancrée dans les moeurs politiques. Deux des suspects les plus en vue, membres du clan Ampatuan qui aurait planifié le meurtre de 57 personnes, dont des journalistes, ont été récemment retirés de l’acte d’accusation de meurtres multiples, bien qu’ils soient toujours en détention préventive.

La justice a été sacrifiée par clientélisme politique, dit le Centre pour la liberté et la responsabilité des médias (Center for Media Freedom and Responsibility, CMFR). « La présidente Gloria Macapagal Arroyo préférerait que le public oublie toute l’affaire, mais on ne peut nier que les Ampatuans étaient, et pourraient bien être toujours, ses alliés politiques, et que leur aide pourrait s’avérer cruciale pour assurer la victoire des candidats de la coalition au pouvoir autant au palier national qu’au palier local. » Depuis dix ans, le CPJ a recensé 55 meurtres non résolus aux Philippines.

Prenant la parole au sommet, Melinda Quintos de Jesus, directrice générale du CMFR, a dit espérer que le massacre inciterait le public à comprendre qu’« il s’agit d’une culture générale qui échappe vraiment à la règle de droit ».

La solidarité entre les médias d’information et les journalistes est essentielle pour combattre l’impunité, a indiqué sur son blogue Ricardo Trotti, de la Société interaméricaine de la presse (SIP) lors du sommet. L’absence de formation et de professionnalisme et la négligence de certains médias et de certains journalistes rendent journalistes et artisans des médias davantage vulnérables. Les journalistes doivent s’unir afin de sensibiliser le public à la nécessité de sauvegarder la liberté d’expression.

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