vendredi 27 août 2010

Le fléau que les Américains

laissent derrière eux en Irak

par Robert Fisk*

The Sunday Independent

(Afrique du Sud - 23/8/10)

Quand vous envahissez un pays, il y a toujours un premier et un dernier soldat.

Le premier homme à la tête de la première unité de l’armée d’invasion américaine qui a atteint la place Fardous, au centre de Bagdad, en 2003 était le Caporal David Breeze du 3ème bataillon, du 4ème régiment de Marines. Et pour cette raison, il m’a fait remarquer qu’il n’était pas un soldat car les Marines ne sont pas des soldats. Ce sont des Marines. Comme il n’avait pas parlé à sa mère depuis deux mois, je lui ai offert mon téléphone satellite pour qu’il l’appelle dans le Michigan. Tous les journalistes savent qu’ils auront droit à une bonne histoire s’ils prêtent leur téléphone à un soldat en guerre. « Allo » a hurlé Breeze, « Je suis à Bagdad. Je vous appelle pour vous dire que je vous aime. Je vais bien. La guerre sera terminée dans quelques jours. A bientôt ».

Et oui, ils disaient tous que la guerre serait finie rapidement mais ils n’avaient pas demandé leur avis aux Irakiens sur cette agréable opinion. Les premiers attentats suicides – un policier en voiture et deux femmes - avaient déjà touché les Américains sur l’autoroute conduisant à Bagdad. Il y en aurait des centaines de plus. Il y en aurait des centaines d’autres en Irak à l’avenir.

Disons-le tout haut :

nous ne partons pas

Aussi nous ne devrions pas être dupes de la farce recréée sur la frontière koweitienne dans les heures suivantes, le départ d’Irak des « dernières unités de combat » deux semaines avant la date prévue, ni des cris infantiles de « Nous avons gagné » de très jeunes soldats, dont certains ne devaient pas avoir plus de douze ans lorsque G. W. Bush a lancé son armée dans cette aventure irakienne catastrophique. Ils laissent derrière eux 50 000 soldats, hommes et femmes, soit un tiers des forces d’occupation US, qui seront attaqués et qui auront de toute manière, encore, à combattre la résistance.

Officiellement, cependant, ils sont là pour entraîner les milices et les tireurs et les plus pauvres des pauvres qui rejoignent la nouvelle armée irakienne dont les commandants savent parfaitement qu’ils ne pourront assurer la défense de leur pays avant 2020. Mais ils seront toujours sous occupation car, il est certain que l’un des « intérêts américains » à défendre est leur présence, concomitamment à celle de milliers de mercenaires armés et indisciplinés, de l’Ouest et de l’Est, qui tirent à tout venant pour garantir la sécurité des diplomates et hommes d’affaires occidentaux.

Aussi disons-le tout haut : nous ne partons pas.

Au contraire, les millions de soldats américains qui ont traversé l’Irak laissent aux Irakiens un fléau qu’ils ont apporté d’Afghanistan : al-Qaïda. Ils y ont importé le virus de la guerre civile. Ils ont contaminé l’Irak avec une corruption sans commune mesure. Ils ont imprimé le sceau de la torture à Abou Ghraib et les honteuses prisons d’Afghanistan. Ils ont confessionnalisé un pays qui, malgré la brutalité du régime de Saddam, avait, jusqu’à présent, rassemblé les sunnites et les chiites.

Le Dawa était « des terroristes »,

maintenant ce sont des « démocrates »

Et parce que les chiites vont immanquablement gouverner cette « démocratie », les soldats américains ont offert à l’Iran la victoire qu’il avait cherchée à obtenir si vainement dans sa guerre contre Saddam en 1980-1988. Les hommes qui avaient attaqué l’ambassade américaine au Koweït dans les mauvais jours, alliés de ceux qui avaient soufflé la base des Marines à Beyrouth en 1983, aident maintenant à gouverner l’Irak. Le Dawa, à l’époque, était « des terroristes » maintenant, ce sont des « démocrates ». C’est drôle comme nous avons oublié les 241 conscrits américains qui ont péri dans l’aventure libanaise. Le caporal Breeze devait avoir, alors, deux ou trois ans.

Ils sont venus, ils ont vu

et ils ont perdu

Le désastre américain d’al-Qaïda en Irak a infecté la Jordanie avec les attentats à Amman, et le Liban de nouveau. L’arrivée des hommes armés du Fatah al-Islam dans le camp palestinien de Nahr al-Bared au nord du Liban, les 34 jours de guerre contre l’armée libanaise et les douzaines de civils morts ont été la conséquence directe du soulèvement sunnite en Irak. Al- Qaïda est arrivé au Liban et l’Irak, sous domination américaine, a réinfecté l’Afghanistan avec les attentats suicide, l’immolateur auto-consacré qui a fait des soldats américains des hommes qui se cachent au lieu d’hommes qui se battent.

Ils réécrivent l’histoire maintenant. Un million d’Irakiens sont morts. Tony Blair s’en moque, ils ne figurent pas, remarquez, parmi les bénéficiaires de sa générosité. Ni d’ailleurs la plupart des soldats américains tués. Ils sont venus, ils ont vu et ils ont perdu. Mais, maintenant, ils disent qu’ils ont gagné. Comme les Arabes, survivant avec six heures d’électricité par jour dans un pays désolé doivent espérer d’autres victoires comme celle-là !

Traduction : Xavière Jardez – Sous-titres « France-Irak Actualité »

* Robert Fisk est le correspondant à Beyrouth du journal britannique The Independent. Il est considéré, à juste titre, par le Financial Times, comme « l’un des plus remarquables reporters de sa génération ». Ouvrages récents : La Grande Guerre pour la civilisation : l'Occident à la conquête du Moyen-Orient (1979-2005), La Découverte, 2005 et Liban, nation martyre, Editions A&R et du Panama, 2007.

Par Gilles Munier

samedi 21 août 2010

« Ils sont partis comme des voleurs… comme des criminels », ont dit les Irakiens en apprenant que la 4ème brigade de combat Stryker, de la 2ème division d’infanterie de l’armée étasunienne, avait franchi la frontière du Koweït – sans tambour ni trompette - à l'aube, le 19 août 2010. Partie d’Abou Ghraib, la soi-disant « dernière patrouille » a mis quatre jours pour couvrir 600km, roulant de nuit, protégée par des chasseurs F 16, des hélicoptères Black Hawk et, au sol, par des troupes du régime de Bagdad (1).

A part le carré pro américain, personne ne regrette leur départ. Les brigades d’infanterie Stryker qui tirent leur nom du véhicule blindé dont elles sont dotées, ont participé aux massacres ayant ensanglanté l’Irak - notamment à ceux de Fallujah et de Tell Afar -, et aux opérations de ratissage contre la résistance et aux tortures de civils dans les régions de Baquba, Rawa, Mossoul et Diyala (2).

Tout le monde se prépare au pire

Si certaines troupes d’occupation s’en vont, d’autres restent. La guerre n’est pas terminée, n’en déplaise à Barack Obama en campagne électorale de mi-mandat. Sept ans et cinq mois après l’invasion du pays, environ 56 000 GI’s sont toujours en Irak, ainsi que plusieurs milliers de mercenaires (contactors). Tandis que l’armée américaine formera les troupes irakiennes, des forces spéciales – 5000 environ – combattront le terrorisme, c'est-à-dire la résistance. Personne ne sait quand les Etats-Unis se retireront vraiment d’Irak, surtout si le régime de Bagdad, aux abois, demande qu’ils restent. L’ancien chef rebelle kurde Babakr Zebari, actuel chef d’Etat major de l’armée irakienne, estime que le retrait américain est « prématuré » et que le régime ne pourra pas assurer, seul, sa sécurité… d’ici 2020. D’ailleurs tout le monde se prépare au pire. Signe qui ne trompe pas : les 2400 diplomates étasuniens en Irak seront protégés par une armée privée de 7 000 mercenaires disposant de 1300 véhicules blindés et de 29 hélicoptères. Chaque antenne diplomatique américaine aura une unité des forces spéciales à sa disposition (3). Dire que les Etats-Unis n’occupent plus l’Irak, ne participent plus aux combats, ou s’en abstiendront à l’avenir, sont des mensonges éhontés.

Notes:

(1) Last brigade of combat troops drives out of Iraq, par Teri Weaver et Heath Druzin (Stars and Stripes – 18/8/10).

http://www.stripes.com/news/middle-east/iraq/last-brigade-of-combat-troops-drives-out-of-iraq-1.115164

(2) Stryker Brigade

http://cpedia.com/wiki?q=Stryker+Brigade&guess_ambig=John+Keane+Stryker+Brigade+Fort+Lewis#headline_4

(3) Irak : l'Amérique retire sa force de frappe, par Renaud Girard

http://www.lefigaro.fr/international/2010/08/19/01003-20100819ARTFIG00477-irak-l-amerique-retire-sa-force-de-frappe-et-change-de-mission.php

Par Gilles Munier

mardi 17 août 2010

Contribution : L’amazighité entre l’affectivité, l’hostilité et l’historicité

Par Lahouari Addi

Un groupe de compatriotes m’a interpelé dans Le Soir d’Algérie du 8 août 2010 sur mes propos sur la langue amazighe tenus lors d’une interview donnée à un journal électronique. Pour permettre au lecteur de saisir ce qui m’est reproché, je reproduis la partie de l’interview.

Question : Quel est ton point de vue sur la langue berbère ?

Réponse : Le problème de la langue berbère ne se pose que dans le cadre de la formation de l’Etat-nation jacobin unitaire et homogénéisant. Dans le Maghreb d’avant la colonisation, la pratique du berbère ne posait aucun problème. Je pense que la langue berbère doit être officialisée et enseignée dans les régions berbérophones. Elle n’est pas en concurrence avec la langue arabe qui est celle de toute la nation. Si la langue berbère disparaît, nous aurons commis un génocide culturel contre nous-mêmes. Ce qui m’est reproché, c’est de ne pas demander que la langue amazighe soit enseignée sur tout le territoire national. Voici le cadre du débat, en espérant ne pas avoir tronqué la position de mes contradicteurs que je voudrais remercier pour l’intérêt qu’ils portent à mes écrits, ce qui ne les a pas empêchés de me mettre un caillou dans le soulier (hajra fi soubat). C’est en effet un gros caillou dans le soulier car le problème n’est pas aisé à traiter compte tenu de la situation historique et culturelle du pays. La question est donc difficile et je vais essayer de la traiter en deux axes pour cerner la problématique de l’amazighité en rapport avec la construction de l’Etat-nation. Le premier axe est celui de la perception des langues vernaculaires par les arabophones en rapport avec la culture — comme vision du monde — et avec l’historicité. Le deuxième est celui du développement de la langue amazighe comme idiome formalisé (syntaxe, grammaire, alphabet…) en rapport avec un contenu qui correspond aux aspirations de la jeunesse à la modernité.

1. Langues vernaculaires, imaginaire et historicité

L’Algérie est une nation de formation récente qui se heurte à des représentations culturelles qui situent l’Algérien soit dans l’universel islamique soit dans le local ethnocentrique. La dynamique nationale issue de la lutte anticoloniale est encore en voie de cristallisation et rencontre des obstacles politiques et culturels. La question linguistique n’est qu’un aspect de la complexité et des contradictions de la situation historique actuelle dont il serait vain d’attendre qu’elle soit dépassée en une génération, étant entendu qu’il s’agit de la transformation de la (ou des) langue(s) vernaculaire( s) en langue(s) véhiculaire(s). Les anthropologues désignent par langue vernaculaire la langue de la communauté locale, celle des espaces lignagers par opposition à la langue véhiculaire de l’espace supra-local de l’empire ou de la nation. La formation de la nation est liée à ce passage où l’imaginaire le dispute à l’historicité. Commençons par poser la question de la situation linguistique du pays ? Il y a au moins quatre langues dans le champ linguistique en Algérie : l’arabe scriptural du Coran, l’arabe moderne issu de la Nahda et adopté par le nationalisme arabe, l’arabe dialectal, et le berbère parlé dans les régions montagneuses (Cf. Khaoula Taleb-Ibrahimi, Les Algériens et leur(s) langue(s). Eléments pour une approche sociolinguistique de la société algérienne, les éditions Al Hikma, Alger, 1997). Un véritable imbroglio linguistique dans lequel K. Taleb-Ibrahimi nous apprend qu’il y a en outre plusieurs niveaux de langue entre l’arabe parlé et l’arabe classique (fusha). Il faut aussi ajouter le français utilisé par les dirigeants et les couches sociales supérieures urbaines. Savons-nous que le tirage de l’ensemble des journaux en langue française est l’un des plus forts des pays francophones ? Pourquoi le français persiste-t-il en Algérie à cette échelle ? C’est qu’il répond à des besoins cognitifs que ni l’arabe classique, ni l’arabe parlé, ni le tamazight ne satisfont. Dans ce tableau, il faut se demander quel est le statut de chacune des langues et surtout comment les locuteurs se les représentent. La première observation à faire, c’est que les Algériens ne valorisent pas et n’ont pas d’estime pour leurs langues vernaculaires. La Kabylie fait exception, mais cette exception est récente. Il est révélateur que la revendication de la réhabilitation de la langue berbère soit née dans le mouvement national, dans le PPA-MTLD secoué en 1949 par ladite crise berbériste. Détestant les archaïsmes de la société identifiés à l’arabité, les militants de ce courant souhaitaient une Algérie moderne et sécularisée. Le populisme, fort en Kabylie comme dans les autres régions du pays, est arrivé à absorber cette crise pour se donner comme seul objectif l’indépendance. Mais ce courant est réapparu dans les années 1960 culminant dans la création de l’Académie berbère à Paris en 1967 animée par Mohamed-Arab Bessaoud dont le discours contre l’arabité était excessif pour ne pas dire plus, donnant une justification supplémentaire aux arabophones de rejeter et de se méfier de la revendication berbériste portée principalement par des francophones. Cependant, l’hostilité des arabophones au tamazight ne s’explique pas seulement par l’extrémisme de l’Académie berbère. Cette hostilité a des racines plus profondes à rechercher dans l’imaginaire de la culture algérienne qui n’a pas intégré le caractère historique du monde social, et qui est enfermée dans une espèce de temporalité qui refoule tout ce qui est antérieur à l’islam. La société algérienne reproduit l’héritage culturel de l’universalité que lui a fourni la civilisation islamique. Par conséquent, les arabophones ne sont pas hostiles à la langue berbère en soi ; ils sont plutôt attachés à un modèle atemporel où le passé n’a pas de place. L’arabe dialectal est aussi victime de cet imaginaire, et est accusé — à tort —d’être le produit de la colonisation. Les langues vernaculaires, arabe dialectal et tamazight sont refusées parce que considérées comme incapables de véhiculer le savoir. Elles sont perçues comme les langues des ignorants, des femmes, des enfants ou de personnes qui n’ont aucune éducation et qui ne savent pas «parler officiellement». Les locuteurs doutent que les langues vernaculaires puissent véhiculer la science et la parole divine du fait même qu’elles ne sont pas écrites. Il y a comme un déni de soi en rapport avec le complexe d’infériorité compensé par la survalorisation de la langue écrite, respectée pour la symbolique qu’elle renferme. La langue vernaculaire est celle de la familiarité et des rapports infra-institutionnels. Mais dès que ces rapports s’éloignent de l’espace domestique, il est fait appel à une langue épurée qui cherche à se rapprocher de la fusha. Quand deux personnes, qui ne se connaissent pas et qui ne parlent que l’arabe dialectal, se rencontrent, elles formalisent leurs échanges langagiers. Il y a une division linguistique singulière dans l’espace social d’une part entre l’officiel et le formel et, d’autre part entre l’usuel et l’informel, ou entre le public et le privé. Dès que quelqu’un prend la parole en public, il utilisera autant que possible des mots de l’arabe classique pour donner plus de crédibilité à son message. Il n’y a qu’à voir à la télévision comment les personnes interrogées par les journalistes cherchent à parler l’arabe classique qu’ils ne maîtrisent pas. La fusha est la langue des activités publiques, comme si le groupe ne se concevait pas en dehors des références qu’elle véhicule. Elle a la charge de véhiculer l’universalité et d’exprimer la réalité enchantée du monde, tandis que la langue vernaculaire a pour vocation d’exprimer la dimension domestique et temporelle de la vie sociale. L’arabe dialectal est désigné par le mot dévalorisant darijaet le berbère était encore appelé il y a quelques années chelha, ce qui est encore plus dévalorisant. Ceux qui prétendent que les Algériens arabophones sont contre la langue berbère parce qu’ils sont anti-kabyles ignorent totalement l’anthropologie linguistique du pays. Il y a lieu de savoir que pendant des siècles, le sentiment religieux et la culture savante ont étouffé l’ethnicité, appelée en arabe chou’oubia. De grandes familles berbères bricolaient leurs arbres généalogiques pour se réclamer d’une ascendance arabe et pour se prévaloir du statut de chorfa et de mrabtine. La Kabylie n’a pas échappé à ce mouvement puisque c’est là où on trouve le plus les noms comme Ramdane, Saïd, ‘Arab… Le prénom Lahouari a plus une consonance berbère que ceux de mes contradicteurs Mhand, Boualem, Tahar, Mouloud et Ali. Il est vrai que cette arabité a été berbérisée comme l’indique le prénom Mhand dérivé de Mohamed. La Kabylie compte beaucoup de lignages maraboutiques qui prétendent avoir des ancêtres arabes établis d’abord à Saguiet el Hamra avant de s’installer au Djurdjura. Cet héritage de plus de dix siècles ne peut être effacé par un trait de plume. Pour clarifier ce dont nous parlons, nous avons besoin de l’éclairage de l’histoire, de l’anthropologie, de la sociologie et de la linguistique. Nous rendrons service à la situation linguistique du pays en ayant recours aux sciences sociales pour expliquer les dynamiques et contradictions de la société, ce qui aidera à terme à faire émerger chez nos compatriotes la conscience de l’historicité et surtout pour comprendre qu’une langue est un outil de communication qui exprime l’imaginaire et les aspirations.

2. Langue et aspirations à la modernité

Le deuxième axe est relatif à la langue berbère elle-même, handicapée par le fait qu’elle était principalement orale. Sa capacité à attirer les jeunes générations dépendra de ce qu’elle leur offrira. L’affectif ne suffit pas à faire vivre une langue, fût-elle celle des ancêtres. Et surtout, il ne faut pas oublier que les langues appartiennent à la longue durée, ce que les linguistes appellent la diachronie. Ce qui est frappant chez les acteurs, c’est l’absence de perspective historique, c’est-à-dire l’incapacité de projeter dans le futur les tâches à étaler sur plusieurs générations. Boumediène voulait développer en 20 ans l’Algérie par décret, c’est-à-dire par en haut, et nous savons ce qui arriva à l’économie du pays. Les berbéristes veulent restaurer au niveau national la langue berbère par décision politique. De ce point de vue, il faut rendre hommage à Salem Chaker qui a préféré inscrire sa contribution dans la longue durée accomplissant un travail académique de linguiste. L’histoire et l’anthropologie de la langue berbère sont à faire pour montrer pourquoi cette langue n’a survécu que dans les montagnes et pourquoi les locuteurs ne lui ont jamais donné la dignité des langues écrites savantes. Il faut rappeler que les dynasties berbères d’origines tribales et maraboutiques se réclamaient toujours de l’islam puritain et de l’arabité citadine. Comme si le berbère ne reconnaissait pas à sa langue la capacité de véhiculer et d’exprimer l’universalité. Ceci est une tendance anthropologique lourde dans la société exprimée aujourd’hui par l’hostilité à la langue berbère dès qu’il s’agit de catégories universelles comme religion, Etat, nation… Les Berbères n’ont pas fait comme les Perses qui ont sauvegardé leur langue et qui se sont démarqués sur le plan culturel des Arabes. La modernité a fait bouger les choses et a permis au Maghreb, en Algérie et aussi au Maroc, l’émergence de courants qui se réclament de la berbérité, militant pour le statut officiel de la langue berbère. L’imaginaire atemporel qui sacralise la langue arabe est battu en brèche avec la proposition d’un modèle de nation avec deux langues. Le projet est-il viable ? Idéalement il l’est, mais l’histoire est un processus marqué par la cohérence et souvent l’incohérence des imaginaires et par la conscience des acteurs. Le projet de renaissance de la langue berbère et sa reconnaissance comme langue de la nation ne se réaliseront que si elle n’est pas mise en opposition avec la langue arabe classique qui, qu’on le veuille ou non, a été le véhicule de la culture savante du Maghreb depuis le 7e siècle. La Kabylie, comme d’autres régions, y a apporté sa contribution. Les oulémas au 17e siècle appelaient la Kabylie « la montagne savante », du fait que le savoir scripturaire avait été recueilli par les zaouiate locales après le déclin culturel de Bougie (voir à ce sujet le livre de Houari Touati, Entre Dieu et les hommes : lettrés, saints et sorciers au Maghreb, Maison des Sciences de l’Homme, 1994). Il faut cesser de désigner l’arabité comme bouc émissaire, comme la cause du retard culturel du pays. Dans ce débat, nous passons, me semble-t-il, à côté de l’essentiel : la langue n’est pas une fin en soi ; elle est le véhicule d’une culture et d’une civilisation. L’échec de l’arabisation, qui a d’ailleurs encouragé la revendication berbériste, provient de ce qu’elle est restée prisonnière du turath, du patrimoine culturel médiéval. C’est ce qui explique que soixante ans après les indépendances, il n’y a pas de philosophe, de sociologue, d’anthropologue arabophone ou arabe de dimension internationale, de niveau de Habermas, Bourdieu ou Geertz. La langue berbère connaîtra le même sort si elle reste prisonnière de la culture locale passée et de la poésie. Son avenir se joue dans sa formalisation en langue écrite avec l’alphabet arabe, et dans la traduction de Homère, de Tolstoï, en passant par Les Mille et une Nuits, le Coran et Kant. A quoi servirait la langue berbère si nous ne pouvons pas lire dans cette langue des œuvres universelles et des travaux scientifiques sur la société algérienne ? L’affectivité ne suffit pas pour créer le lien social. C’est ce qu’avait vu Durkheim qui avait opposé la solidarité mécanique fondée sur le lignage, à la solidarité organique fondée sur la division sociale du travail, figure de la modernité. Il en déduit que la solidarité mécanique n’est pas suffisante à elle seule pour assurer la cohésion sociale. Je voudrais faire remarquer à mes collègues qui m’ont interpelé que la problématique durkheimienne des deux solidarités, enseignée dans toutes les facultés de sociologie du monde, a été élaborée à partir des observations ethnographiques faites en Kabylie durant le dernier tiers du 19e siècle (Cf. A. Hanoteaux et A. Letourneux, Mœurs et coutumes en Kabylie, Paris, 1880). L’anthropologue britannique Ernest Gellner (1926-1996) l’a reformulée en lui donnant le nom de segmentarité et l’a appliquée aux Berbères du Haut-Atlas marocain. Le monde académique occidental se représente le Maghreb comme le lieu par excellence de la solidarité mécanique, des rapports lignagers, de l’affectif…, ajoutant par ailleurs que ce n’est pas suffisant pour assurer la cohésion sociale dans une nation moderne. Ce qui est à craindre, c’est que le berbérisme ne reproduise les défauts et les limites idéologiques du nationalisme arabe qui a étouffé l’individu dans une identité essentialisée. La nature humaine est une essence ; la culture est une construction historique faite de continuités et de ruptures. En conclusion, je voudrais faire une remarque d’ordre méthodologique. Comme universitaire, je n’exprime pas une opinion personnelle ou un jugement de valeur. J’essaie de produire des analyses, à confirmer ou à infirmer par l’échange académique, pour cerner les dynamiques sociales et politiques de l’Algérie. Mon opinion sur le principe d’enseigner la langue berbère à Mascara et à Tébessa importe peu. Ce qui importe, c’est de savoir si c’est réalisable aujourd’hui. Je voudrais aussi ajouter que je ne suis ni anti-berbériste, ni berbériste. Je suis anti-anti-berbériste, c’est-à-dire que, dans le respect des valeurs démocratiques, je suis contre les anti-berbéristes. Enfin, je laisse le soin au lecteur du Soir d’Algérie d’estimer si je me suis débarrassé du caillou dans mon soulier et si je suis parvenu à le mettre dans les souliers des compatriotes qui m’ont interpelé et à qui je transmets mes cordiales salutations.

L. A.

transmis par Tahar HAMADACHE sur "projets_algérie"
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ajout de précieux liens, tous fournis par Tahar Hamadache vers qui va notre gratitude et notre amitié.

Le texte de Lahouari Addi est venu en réponse à notre article collectif, publié sous forme de lettre ouverte, le 08 aout dernier. Voici donc les différentes étapes de ce débat qui reste béant :

(1) Notre réponse au professeur Lahouari Addi a été publiée par Le Soir d'ALgérie (sans les notes de bas de page), en page 7 de l'édition du 08 août 2010. Voir en ligne : http://www.lesoirdalgerie.com/articles/2010/08/08/article.php?

Cette réplique a été faite à la position de Pr Lahouari Addi sur tamazight, développé dans son entretien: http://www.lequotidienalgerie.org/2010/06/29/lahouari-addi-l%e2%80%99algerie-me-donne-toujours-une-impression-d%e2%80%99opportunites-manquees-et-d%e2%80%99occasions-ratees/


2) Le professeur Lahouari Addi a eu le mérite de prendre notre réplique en considération et y a répondu dans Le Soir d'Algérie, Edition du Lundi 16 août 2010 - pages 6 & 7. http://www.lesoirdalgerie.com/pdf/2010/08/16082010.pdf

http://www.lesoirdalgerie.com/articles/2010/08/16/index.php


jeudi 12 août 2010

L’Irak a besoin de pleureuses !

Rubrique : Des yeux et des oreilles

Jihad Al-Khazen

jeudi 12 août 2010

Le salaire d’un député au parlement irakien est de 30 millions de dinars irakiens, soit l’équivalent de 28 mille dollars US, avec, en sus, deux versements annuels de cent mille dollars chacun. Cela fait un salaire annuel de 560.000 dollars que notre député continuera à percevoir au cours de la législature suivante même dans le cas où il viendrait à perdre son siège.

Il est question de baisser ce salaire de 10% au cours de la présente législature et je suppose que notre nouveau député ne touchera ainsi que 500.000 dollars.

Le parlement actuel a été élu depuis cinq mois, et, disons, pour faciliter le calcul, que notre député aura touché 200.000 dollars au cours de cette période. Or le parlement a tenu deux réunions, la première a duré vingt minutes et la seconde dix minutes. Ainsi notre député aura touché deux cents mille dollars pour sa présence pendant une demi heure, ce qui lui fait un salaire horaire de quatre cents mille dollars.

Ce montant serait suffisant, je pense, pour payer le déplacement et les honoraires de tous les médecins de Mayo Clinic, des Etats Unis à Londres pour m’examiner pendant une et peut-être deux heures.

Il n’y a pas en Irak de médecins miracles et le parlement, avec ses divisions ethniques et confessionnelles, se trouve être une des nombreuses maladies qu’a contractées l’Irak depuis l’occupation. Nous savons que les groupes parlementaires ne sont toujours pas d’accord sur le choix d’un président de conseil. J’estime que cela va se poursuivre jusqu’après le mois de jeûne et peut-être même jusqu’à la fin de l’automne. Le désaccord ne porte pas sur l’avenir de l’Irak, sur ce qui lui convient ou ne convient pas, mais sur le partage du butin dans un pays qui connaît une pénurie d’électricité, d’eau potable et de tous les services de base avec, en plus, un très fort taux de chômage et des épidémies.

Les trois présidences, de la république, du conseil et du parlement accaparent à elles seules un budget de un milliard huit cents millions de dollars (1,8 Milliard USD) par an sans qu’aucun des occupants de ces postes ne soit obligé de rendre compte de ses dépenses à quiconque.

Il y a sûrement au parlement irakien et tout autour des gens bien, des patriotes et des hommes d’honneur qui souhaitent le bien pour le pays, mais ceux-là je ne les connais pas. Ce que je sais par contre c’est que les politiciens irakiens s’entretuent pour le partage de ce butin qu’est devenu l’Irak.

Les informations suivantes, nous en donnent un petit aperçu :

Une étude médicale, menée entre autres par le professeur, Chris Busby, professeur associé à l'Université d'Ulster, a conclu que les effets sur la santé de l’attaque américaine contre la ville de Falloujah en 2004 se sont révélés plus graves qu’à Hiroshima. Ainsi la mortalité infantile est montée à 8% alors qu’elle est de 1% au Koweït et les diverses formes de cancer connaissent une troublante hausse, avec un taux, pour la septicémie, 38 fois supérieur à la moyenne ailleurs.

Les terroristes de « Al Qaida en Mésopotamie » et « de l’Etat islamique d’Irak » attaquent les banques de sang pour s’emparer des stocks afin de soigner leurs blessés.

Les actions terroristes, les assassinats ciblés et les opérations suicides sont en forte hausse avec près de deux cents victimes par mois. Depuis les élections et jusqu’à la fin du mois de juillet, cent cinquante politiciens, fonctionnaires, chefs de tribu et policiers ont été tués avec de nombreux membres des Sahaouets.

Dans ces conditions, les coupures d’électricité, partielles ou plutôt totales, sont très peu de chose quoique je ne comprenne pas que « le pays arabe le plus riche » après « sa libération » par la plus grande puissance militaire et économique du monde, n’arrive pas à fournir de l’électricité à ses citoyens. Après la libération du Koweït et le début du boycott international de l’Irak, Saddam Hussein a ordonné à ses ingénieurs, tous irakiens, de réparer la centrale électrique de Doura, ce qu’ils firent. Ainsi, ils permirent aux irakiens de disposer d’électricité.

Naturellement je ne peux parler de l’Irak sans avoir un clin d’œil à ses valeureux libérateurs. Selon les informations, le Pentagone aurait perdu ou ne sait plus ce qu’il est advenu d’un montant de deux milliards six cents millions de dollars appartenant au gouvernement irakien, produit de la vente de pétrole. Je jure que ce sont les propos du contrôleur général américain de l’Irak.

Comment peut-on perdre 2, 6 Milliards de dollars ? Serait-ce possible que le général Ray Odierno, commandant des forces américaines en Irak, ait laissé tomber ce montant de sa poche en prenant son portable, sans s’en apercevoir et l’abandonnant ainsi aux terroristes d’alqaida pour financer leurs actions ?

Peut-être allons- nous nous débarrasser des américains avec cette promesse du président Obama de terminer l’évacuation de ses troupes d’Irak à la fin de ce mois et son discours sur les sacrifices américains en Irak, alors que c’est l’Irak qui a été sacrifié.

Mais une lecture plus attentive du discours nous révèle qu’il s’agit plutôt du contraire. « L’opération liberté pour l’Irak » dont nous avons mentionné plus haut quelques unes de ses conséquences, sera suivie de « l’opération nouvel aurore » avec le maintien de 50.000 soldats américains… pour entraîner les irakiens. Cela veut dire : pas de retrait.

L’Irak a besoin aujourd’hui de « pleureuses » et je n’ai rien d’autre à ajouter que d’implorer Dieu de lui venir en aide.

Traduit de l’arabe par Ahmed Manai

tunisielibre@yahoo.fr

http://tunisitri.wordpress.com/2010/08/12/l%E2%80%99irak-a-besoin-de-pleureuses/#more-1814/

khazen@alhayat.com

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Source URL (retrieved on 08/12/2010 - 03:04): http://international.daralhayat.com/internationalartic

mercredi 11 août 2010

Le vice-premier ministre de la Grande-Bretagne admet que la guerre en Irak est illégale


Mondialisation.ca, Le 10 aout 2010

La déclaration du vice-premier ministre britannique Nick Clegg selon laquelle la guerre en Irak est « illégale » ne peut mener qu’à une seule conclusion, à savoir que l’ancien premier ministre Tony Blair et beaucoup d’autres doivent immédiatement être traduits en justice pour crimes de guerre.

Clegg s’exprimait en lieu et place du premier ministre David Cameron mardi au parlement lorsqu’il a fait sa déclaration, l’une des quelques rares remarques véridiques qui ont été faites à la tribune du parlement.

Répondant aux questions du travailliste Jack Straw, le ministre des Affaires étrangères au moment de l’invasion en Irak, Clegg a répliqué, « Il nous faudra sans doute attendre la publication de ses [de Straw] mémoires, mais peut-être qu’un jour il rendra des comptes pour son rôle dans la plus désastreuse des décisions : l’invasion illégale de l’Irak. »

Son accusation a aussitôt été attaquée par les ministres travaillistes et les principaux chefs de l’armée – et ce pour une bonne raison. Comme l’a remarqué Philippe Sands, professeur de droit à l’University College London, une telle « déclaration publique faite au parlement par un ministre du gouvernement sur la question de la légalité » de la guerre pourrait constituer un fondement pour intenter une action en justice contre les responsables britanniques devant une cour internationale de justice.

Là n’était pas l’intention de Clegg, tant s’en faut. Il a presque immédiatement rétracté ses propos en publiant une déclaration disant qu’il les avait faits « à titre personnel ». Un porte-parole a dit, « Le gouvernement de coalition n’a pas exprimé son point de vue sur la légalité ou pas du conflit en Irak. Mais cela ne signifie pas pour autant que des membres du gouvernement ne peuvent exprimer leur point de vue personnel. C’est là un point vue que le vice-premier ministre a depuis longtemps. »

« La commission d’enquête sur l’Irak examine présentement de nombreuses questions concernant l’implication de la Grande-Bretagne en Irak, y compris le fondement juridique de la guerre. Le gouvernement est impatient de recevoir les conclusions de l’enquête. »

La référence à l’enquête sur l’Irak qui est actuellement menée par Sir John Chilcot est une fraude. Il est spécifiquement interdit à cette commission d’enquête de statuer sur la légalité de la guerre. Elle a publié sa propre déclaration officielle, réitérant que « La commission d’enquête n’est pas une cour de justice et personne ne passe en jugement. »

Les libéraux-démocrates ont pendant longtemps tiré profit politiquement de leurs critiques à l’égard de l’invasion de l’Irak. Initialement, ils avaient rejeté la guerre menée par les Etats-Unis au motif de respecter l’autorité des Nations unies, mais, une fois l’invasion commencée, ils ont basculé pour soutenir « nos soldats » (« our boys »). Ils avaient exigé l’ouverture d’une enquête sur la guerre et que Clegg avait qualifié de « la plus grosse erreur en politique étrangère commise par le pays… depuis Suez » (l’invasion franco-britannique de l’Egypte en 1956).

De telles déclarations publiques ont été un facteur important dans le vote obtenu par les libéraux-démocrates lors des élections législatives qui s’étaient déroulées en début d’année.

Les récents agissements de Clegg soulignent le caractère trompeur de l’attitude « anti-guerre » de son parti. Assurément, le vice-premier ministre a pensé pouvoir poursuivre ses prises de position contre le Parti travailliste (Labour) sans que ses déclarations aient de véritables conséquences. Mais les libéraux-démocrates font à présent partie d’un gouvernement qui maintient encore 400 hommes en Irak et qui joue un rôle clé dans la répression de l’Afghanistan. Ses partenaires de la coalition au sein du parti conservateur avaient voté en faveur de l’invasion de l’Irak en la soutenant à fond.

Les tories (conservateurs) ont appuyé l’affirmation de Clegg comme quoi son jugement de la guerre en Irak n’était qu’une affaire d’opinion personnelle. Le ministre britannique des Affaires étrangères, William Hague, qui avait voté pour la guerre a dit, « Le vice-premier ministre a un parcours différent du mien » en la matière.

Sur le plan plus fondamental, la légalité de la guerre en Irak n’est pas une affaire de point de vue « personnel » ou d’interprétation historique individuelle. En vertu du précédent créé par les procès de Nuremberg en 1946, les dirigeants des Etats-Unis et de la Grande-Bretagne sont, conformément au droit international, coupables du même chef d’accusation que celui retenu contre les nazis : la poursuite d’une guerre d’agression.

Selon les termes du jugement de Nuremberg, « La guerre est en essence un mal. Ses conséquences ne se limitent pas aux seuls Etats belliqueux, mais affectent le monde entier. Initier une guerre d’agression n’est donc pas seulement un crime international, c’est le crime international suprême se différenciant des autres crimes de guerre en ce qu’il contient en lui-même la somme du mal de tous les autres. »

Il ne fait aucun doute que les Etats-Unis et la Grande-Bretagne ont déclenché une guerre d’agression contre l’Irak dans le but de promouvoir leur propre stratégie géopolitique au Moyen-Orient.

Comme en témoignent les documents, le 30 janvier 2003, le procureur général britannique d’alors, Lord Goldsmith, avait informé le premier ministre Tony Blair que le recours à la force militaire contre l’Irak était illégal sans l’autorisation du Conseil de sécurité des Nations unies. À peine deux mois plus tard, malgré l’absence d’une telle autorisation et suite à une visite à Washington, Goldsmith changea d’avis en jugeant qu’une invasion était légale.

Parmi ceux à avoir témoigné devant la commission d’enquête Chilcot durant la dernière semaine figurait Carne Ross, l’ancien premier secrétaire de la Grande-Bretagne aux Nations unies de 1997 à 2002 et responsable de la liaison avec les inspecteurs des armes en Irak. Son témoignage avait montré clairement que l’Irak ne représentait pas un danger pour Washington et Londres, que le pays ne disposait pas « d’armes de destruction massive », qu’il n’avait pas de liens avec al-Qaïda et que l’« exagération » et « les déclarations trompeuses » faites sur le danger présumé de l’Irak « étaient, dans leur entièreté, des mensonges ».

Ross a affirmé, « Dans la théorie de la guerre juste et du droit international, tout pays doit épuiser toutes les options non-violentes avant de recourir à la force. Il est clair que dans ce cas le gouvernement de la Grande-Bretagne n’a pas envisagé de façon adéquate, et encore moins recouru à des alternatives non-militaires avant l’invasion de 2003. »

L’invasion de l’Irak a détruit un pays entier et a coûté la vie à plus d’un million de personnes. Par une attaque anticipée, Washington et Londres ont renversé un régime considéré comme un obstacle à leurs intérêts, exécuté son dirigeant et emprisonné et tué quiconque leur barrait le chemin. L’occupation qui dure encore continue de détruire des vies comme le montrent les chiffres record de cas de cancer, de leucémie, de mortalité infantile et de défauts de naissance qui ont été enregistrés dans la ville de Fallouja.

De plus, la guerre en Irak est accompagnée par un éventail de mesures pour abroger les droits démocratiques aux Etats-Unis et en Grande-Bretagne sous le prétexte de la « guerre contre le terrorisme ». Des restitutions extraordinaires, l’emprisonnement sans procès de personnes « présumées » être des terroristes, la répression de la liberté d’expression et, en Grande-Bretagne, le meurtre de sang froid de Jean Charles de Menezes ne sont que quelques-unes de ses conséquences.

Comme Clegg le sait parfaitement, Blair et ses ministres influents ont du sang sur les mains. Ils n’auraient toutefois jamais pu poursuivre leur objectif criminel sans le soutien actif des services secrets, de l’opposition conservatrice, des médias et d’une multitude de fonctionnaires complaisants.

C’est pourquoi Clegg a immédiatement battu en retraite. Comme le World Socialist Web Site a affirmé, la réparation de l’effroyable catastrophe qui a frappé la population en Irak, y compris la poursuite judiciaire des architectes de l’invasion et le versement de milliards de compensation, ne peut s’accomplir que par la mobilisation indépendante de la classe ouvrière contre la guerre impérialiste et le système capitaliste de profit qui en est la cause.

Article original, WSWS, paru le 24 juillet 2010.

lundi 9 août 2010

Le 2 août 2010, le Haut tribunal irakien a condamné à mort Mezban Khider Hadi (1), membre du Conseil de Commandement de la Révolution (CCR) pour son rôle dans l’assèchement des marais du sud du pays, Abdel Ghani Abdel Ghafour (2)haut dirigeant du parti Baas - à la prison à vie, mais condamné à la pendaison, en décembre 2008, pour sa participation à la répression du soulèvement chiite pro-iranien après la 1ère guerre du Golfe. Le témoignage de la baronne Emma Nicholson, militante anti-Saddam siégeant à la Chambre des Lords britannique, qui a affirmé en 2009 - sans preuve avérée - que des armes chimiques avaient été employées pour déloger les habitants des marais, aurait été déterminant dans la décision des juges.

Un vieux projet britannique

Le projet d’assèchement n’est pas sorti de l’imagination - obligatoirement démoniaque pour ses contempteurs - du Président Saddam Hussein *. Ildate des années 50 et c’est un projet britannique. La percée d’un fleuve artificiel avait à l’origine pour but de détourner l’eau alimentant les marais vers des canaux d’irrigation. Des travaux préliminaires avaient débuté en 1953 sur la base d’études réalisées par l’ingénieur en chef britannique Franck Haigh. Mais, ils ont été abandonnés après le renversement de la monarchie hachémite par le général Kassem le 14 juillet 1958.

Dans son dix-neuvième entretien avec le FBI, le Président Saddam Hussein a déclaré que « le gouvernement irakien avait décidé d’assécher les marais pour le bien de ses habitants et pour des raisons stratégiques ». Le besoin de pourchasser les bandits et les contrebandiers qui s’y cachaient, ou de réduire des maquis d’opposants pro-iraniens ou communistes comme ceux qui y ont proliféré à une certaine époque, n’était pas la préoccupation majeure des initiateurs de l’opération. George Piro, son interviewer, ne lui a pas parlé d’utilisation d’armes chimiques dans ce secteur. De toutes manières, la construction des barrages turcs sur l’Euphrate et le Tigre signifiait, à terme, la disparition de ces vastes étendues marécageuses et la salinisation des terres s’étendant entre les deux grands fleuves.

Un projet de développement

victime de l’embargo

Le Troisième fleuve fut réalisé en un temps record. Les travaux débutèrent en 1991, juste après la 1ère guerre du Golfe. A l’époque, personne n’imaginait que l’embargo imposé à l’Irak par l’ONU, durerait treize ans. L’achat de pompes, de vannes, de semences, d’engrais, de tracteurs et de divers matériels agricoles, n’étant autorisé qu’après accord du Comité des sanctions des Nations unies, les projets agricoles liés au Troisième fleuve, rebaptisé Fleuve Saddam, ne purent jamais être totalement réalisés. Dans les faits, la plupart des contrats fut annulée ou suspendue sous prétexte de possibilités de « double emploi » de certains matériaux. Les rouages de pompes, disaient les Américains, étaient fabriqués en aciers rares et pouvaient être utilisés pour fabriquer des bombes… Des pièces de moteurs de tracteurs pouvaient équiper certains chars d’assaut… Les produits chimiques composant les engrais permettaient de concocter des armes de destruction massive !… Résultats : les zones asséchées demeurèrent en l’état et se désertifièrent. Les habitants des marais - les Ma’dan - qu’on voulait reconvertir en paysans durent émigrer vers Kirkouk ou aux abords d’autres marais, notamment près de Samara.

Eaux contaminées

par les massacres interreligieux

Après la chute de Bagdad en 2003, le projet onusien lancé pour ressusciter une partie des marais de Mésopotamie et leur écosystème, n’a pu être totalement réalisé en raison du manque d’eau provoqué par les retenues effectuées en Turquie, en Iran et en Syrie, et par l’extrême salinité des sols. La pollution est telle que la consommation de poisson a été un moment interdite en raison de la contamination des eaux occasionnée par les milliers de cadavres flottant dans les rivières après les massacres interreligieux qui ont ensanglanté l’Irak. Une seconde mort des marais n’est malheureusement pas exclue.

* Extrait actualisé de : Guerre de l’eau au pays des deux fleuves (mai 2006)

http://www.france-irak-actualite.com/pages/guerre-de-l-eau-au-pays-des-deux-fleuves-mai-2006--1982344.html

Notes :

(1) Mezban Khider Hadi a été arrêté le 9 juin 2004 et emprisonné au camp Cropper. Il fait partie des prisonniers de guerre baasistes remis au régime de Bagdad.

(2) Abdel Ghani Abdel Ghafour a été membre du Commandement régional du parti Baas de 1982 à 2001.

Par Gilles Munier

http://www.france-irak-actualite.com/article-arabes-des-marais-le-proces-55159443.html

dimanche 8 août 2010


Alors que le mois de juillet 2010 dernier fut pour les troupes militaires d’occupation, avec 66 morts et plus de 200 blessés, le plus meurtrier depuis le début de la guerre, l’état major « US » s’apprête a mettre en place une nouvelle stratégie, dite de « terreur et d’extermination ».

Par Agata Kovacs, pour « Mecanopolis ».


Barack Obama demande de mettre fin au génocide au darfour.


C’est Le « Canard Enchainé » qui, dans son édition d’hier, révèle l’information. Après avoir tenté sans succès de négocier avec les forces de résistance afghanes – pour lesquelles la condition préalable à toute discussion est le retrait inconditionnel des troupes étrangères [1] – le général James Mattis vient d’être reçu par la Commission de Défense au Sénat. « La nouvelle approche en Afghanistan, a-t-il expliqué à ses interlocuteurs, implique le passage de la stratégie de + contre-insurrection + à une + stratégie d’extermination + ».

Selon un document confidentiel, une unité spéciale, la « Task Force 373 », composée de commandos de l’armée de terre et de la marine « US », et qui aurait précédemment œuvré en Irak, serait déjà active sur le terrain de l’Afghanistan dans le but de liquider les « terroristes potentiels », c’est-à-dire à peu près chaque individu qui conteste l’occupation étrangère, et de terroriser les populations locales afin de les dissuader de rejoindre les forces de résistance.

La méthode n’est pas nouvelle. Elle a déjà été expérimentée, jadis au Vietnam, sous le nom d’« Opération Phœnix », et avec le succès que l’on sait : création de camps de la mort, destruction au napalm de centaine de villages, liquidation de plus de 30 000 hommes, femmes et enfants… et au final une guerre perdue.

Mais, comme l’indique « Le Canard », l’ordre de cette nouvelle stratégie vient du plus haut sommet de l’État. Le 30 juillet 2010 dernier, sur la chaîne de télé « NBC », le vice président Joseph Biden a proclamé, sans rire : « Nous sommes en Afghanistan pour un seul motif : + Al-Qaïda + », avant d’ajouter, dans une prose confusionniste dont il a le secret : « Nous devons capturer et éliminer les insurgés ». Il est pourtant de notoriété publique que la « CIA », de son aveu même, a depuis longtemps cessé de rechercher Oussama Ben Laden et ses lieutenants, et que la résistance afghane s’oppose militairement aux combattant d’ « Al-Qaïda » [2]. Pour l’administration Obama, l’heure n’est manifestement plus à tendre la mains aux musulmans, comme il en avait été question lors du discours du Caire [3].

Cette nouvelle stratégie ne semble pas perturber les résistants, et l’« opération Al-Fath (la victoire) », lancée en mai dernier, continue de causer des pertes toujours plus importantes aux armées d’occupation. Dans un communiqué publié hier, Qari Yusuf Ahmadi, porte parole de la résistance, indiquait que l’attaque du 3 août 2009 dernier contre une base militaire de l’« OTAN » à Kandahar avait occasionné la mort de plus de 160 soldats ennemis, permis la destruction de 3 hélicoptères ainsi que de la quasi totalité des infrastructures du site [4].

Dans un autre document publié plut tôt dans la journée, le porte-parole avait salué les Pays-Bas pour le retrait de leurs troupes d’Afghanistan. « Les Pays-Bas ont rejeté l’insistance des États-Unis à prolonger le mandat de leurs troupes » indique le communiqué, avant de conclure que « les troupes américaines devront rester seules en Afghanistan et payer les conséquences de leur invasion ».

La méthode de la « stratégie d’extermination » a été déjà expérimentée jadis au Vietnam : Création de camp de la mort, destruction au « napalm » des centaines de villages, liquidation de plus de 30 000 hommes, femmes et enfants… …Et au final, une guerre perdue.


NOTE :

[1]. Lire le communiqué du 22 avril 2010 dernier publié sur « Mecanopolis ».
[2]. Lire « Al-Qaïda contre les talibans » sur le site du « Monde Diplomatique ».
[3]. Discours de « Barack Obama » au Caire
[4]. Lire le communiqué publié sur « Mecanopolis ».

samedi 7 août 2010

Qui a du sang sur les mains en Afghanistan ?

samedi 7 août 2010

Alex Lantier - WSWS


Des accusations portées par des responsables de l’administration Obama et des médias que le fondateur de WikiLeaks, Julian Assange, et ses sources ont « du sang sur les mains » pour avoir révélé des informations sur les opérations militaires et les informateurs des Etats-Unis en Afghanistan sont de méprisables calomnies. La responsabilité du sang versé en Afghanistan repose sur le gouvernement américain, qui a déclenché la guerre.

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Des habitants du village de Bala Baluk sont rassemblés devant les tombes des victimes du massacre commis par l’OTAN le 5 mai 2009 - Photo : AFP

Ces accusations sont d’autant plus dégoûtantes que l’administration Obama prépare ouvertement une augmentation de l’effusion de sang par l’armée des Etats-Unis en Afghanistan. Un article paru hier en première page du New York Times était intitulé « Les Etats-Unis se concentrent maintenant sur les assassinats politiques en Afghanistan ». Il faisait les éloges de la Task Force 373, l’escadron de la mort secret dévoilé dans les documents publiés par WikiLeaks, en notant que les « raids du commando » ont tué « plus de 130 insurgés d’importance » durant les cinq dernières semaines.

Les plus récents plans de Washington consistent à tuer en masse pour terroriser la population afghane et forcer sa capitulation. A l’audience de la Commission des affaires étrangères du Sénat de mardi dernier, le sénateur Richard Lugar a expliqué : « Pour que les négociations fonctionnent, nous devons faire preuve de force. Aussi violent que cela puisse sembler, il est essentiel que nous tuions beaucoup de talibans. »

La mentalité fascisante qui sous-tend de tels plans n’est pas différente de celle d’Hitler et de ses hommes de main lorsqu’ils préparaient des guerres et la répression des forces de la résistance en Europe.

Dans le milieu politique dégénéré d’aujourd’hui, les médias - qui ont systématiquement et délibérément masqué les crimes révélés par WikiLeaks - se prêtent à la campagne contre Assange. Lors d’une conférence de presse jeudi dernier, l’amiral Mike Mullen, chef d’état-major interarmées, a déclaré qu’Assange et ses sources « pourraient bien avoir le sang d’un jeune soldat ou d’une famille afghane sur les mains ».

Dimanche, sur le plateau de l’émission « This Week » à ABC, Christiane Amanpour a demandé à son invité, le secrétaire à la Défense Robert Gates, de commenter l’assertion que « le responsable de ces fuites avait essentiellement du sang sur les mains ». Gates a répondu qu’au point de vue de la « culpabilité morale » d’avoir révélé les informateurs afghans qui avaient collaboré avec l’armée des Etats-Unis, « WikiLeaks est coupable ».

Le World Socialist Web Site n’est pas touché par cet appel à la solidarité avec les informateurs et les mouchards de Washington. Nous rejetons avec mépris les tentatives visant à excuser la barbarie du gouvernement américain en Afghanistan en citant la violence de la résistance de la population afghane à l’occupation néocoloniale. Il n’y a pas d’équivalence politique ou morale entre les deux.

Comme le grand marxiste Léon Trotsky l’écrivait dans Leur morale et la nôtre : « Que de méprisables eunuques ne viennent pas soutenir que l’esclavagiste qui, par la ruse et la violence, enchaîne un esclave est devant la morale l’égal de l’esclave qui, par la ruse et la violence, brise ses chaînes ! »

Qui est M. Gates pour donner des leçons à quiconque sur la « culpabilité morale » ? L’homme qui supervise le massacre de masse de la population afghane par l’armée américaine aujourd’hui est un bureaucrate endurci de la terreur d’État. Le livre qu’il a publié en 1996 en sa qualité d’initié de la politique américaine, intitulé à juste titre From the Shadows [Dans les ombres], fait état de son rôle dans les plus grands crimes de l’impérialisme américain dans les années 1970 et 1980.

Analyste de la CIA et collaborateur du conseiller à la sécurité nationale Zbigniew Brzezinski durant les années 1970, Gates était un haut fonctionnaire de la CIA dans les années 1980. Il a noté comment la CIA a soutenu la milice UNITA en Angola, responsable pour la mort de dizaines de milliers d’Angolais. Gates a aussi expliqué comment la CIA a miné les ports du Nicaragua pour aider les contras (les rebelles de droite) et a autorisé la rédaction d’un « manuel de meurtre », qui donnait des instructions sur la façon de réaliser les assassinats politiques.

Gates est impliqué depuis le tout début dans la politique criminelle de Washington en Afghanistan. Bien avant l’invasion de ce pays par l’Union soviétique, les Etats-Unis offraient déjà un soutien financier secret aux forces islamistes qui s’opposaient au gouvernement afghan soutenu par les Soviétiques. L’objectif des Etats-Unis, comme l’expliquait un officier de l’armée en mars 1979 dans une réunion que Gates décrit, était « d’entraîner les Soviétiques dans un bourbier comme ce que fut le Viet Nam ».

A cette époque, écrit Gates, les Etats-Unis ont signé des accords secrets avec l’Arabie saoudite et le Pakistan qui visaient à assembler « un pipeline logistique extraordinaire de fournisseurs du monde entier. La table était mise pour la vaste expansion à venir d’aide extérieure, entièrement sous la direction de la CIA. » Comme il est bien connu, la chaîne d’approvisionnement, « entièrement sous la direction de la CIA » comptait dans ses rangs Oussama bin Laden et ses associés politiques. C’est là l’origine du mouvement al-Qaïda, l’organisation qui a réalisé les attaques terroristes du 11-Septembre.

Quand le Kremlin a envahi l’Afghanistan, la CIA a financé et soutenu des milices sous la direction de seigneurs de guerre islamistes d’extrême-droite. Gates sait que cela ne pouvait que finir en désastre pour le peuple afghan. Il écrit : « Personne ne doit avoir d’illusions sur ceux qui s’alliaient politiquement, que ce soit avant ou après la défaite de l’URSS. En tout cas, personne à la CIA n’avait de telles illusions. »

L’Afghanistan est ravagé par la guerre civile depuis. Même si cela n’est pas rapporté dans les médias américains, qui n’ont aucune considération pour une vie afghane, des millions d’Afghans sont morts en conséquence de cette guerre civile.

La campagne médiatique contre WikiLeaks montre l’état de dépravation régnant dans le milieu politique américain. Les médias et l’État ne peuvent pardonner à Assange et ses sources d’avoir eu le courage d’exposer aux yeux de tous les crimes de tout l’establishment politique. La somme des documents que ce site a rendu public donne à la Cour pénale internationale les matériaux dont elle a besoin pour poursuivre les administrations Bush et Obama pour crimes de guerre et les principales personnalités des médias américains pour complicité.

Toutes les accusations contre Assange et ses sources en rapport avec la publication de ces documents doivent être levées et des accusations portées contre les criminels de guerre à Washington.


5 août 2010 - World Soxialist Web Site - Vous pouvez consulter cet article à :
http://www.wsws.org/francais/News/2...

vendredi 6 août 2010

Le journaliste Martin Chulov, de The Guardian, a pu interviewer Tarek Aziz dans sa nouvelle prison (1), au retour du Tribunal de la Zone verte où le régime de Bagdad l’a impliqué dans une nouvelle affaire. C’est la première fois que l’ancien vice-Premier ministre irakien est autorisé à s’adresser à un étranger en dehors des geôliers du Camp Cropper, des enquêteurs de l’ONU, de la CIA, du MI6…. et du juge français Philippe Courroye.

Son seul regret :

s’être rendu aux troupes d’occupation

Visiblement affaibli par la maladie et « sept ans et quatre mois » d’incarcération, il se présente comme un « nationaliste arabe loyal » et nie toutes les accusations portées contre lui. Il n’a jamais, dit-il commis de crime contre des civils, des militaires ou des religieux. Sur des centaines de plaintes déposées contre le régime baasiste, personne ne l’en a d’ailleurs accusé nommément. En temps qu’ancien membre du Conseil de Commandement de la Révolution (CCR), vice-Premier ministre, ministre des Affaires étrangères, on peut tout au plus évoquer contre lui une « culpabilité par association ». Pendant 30 ans, il a défendu les positions de son pays, même lorsque qu’il n’y était pas favorable. Cela avait été le cas, en 1990, lorsque l’Irak a envahi le Koweït, parce que cette décision débouchait sur une guerre contre les Etats-Unis, mais que l’on ne compte pas sur lui pour émettre des critiques. Ce n’est pas un opportuniste. L’heure viendra peut-être pour lui d’écrire ses mémoires, et à ce moment là il donnera sa version des évènements. Son seul regret, c’est de s’être rendu aux troupes d’occupation, le 24 avril 2003. C’était une décision grave, prise pour sauver sa famille qui a pu quitter l’Irak pour Amman à bord d’un avion étatsunien. Quelques jours plus tôt, il avait rencontré Saddam Hussein, dans le quartier Mansour à Bagdad, pour lui réaffirmer son soutien, et lui dire au revoir.

« L’Iran est notre pire ennemi »

Tarek Aziz rappelle que Saddam Hussein et lui avaient été choqués par les attentats du 11 septembre et révèle que l’ancien président irakien lui avait demandé de l’écrire à Ramsey Clark, ministre de la Justice - Attorney general - sous le Président Johnson et opposant à la guerre du Golfe. C’est à partir de ces attentats qu’il est devenu évident que l’Irak allait être envahi, mais il ne pensait pas que cela déboucherait sur la chute de Bagdad 18 mois plus tard : «Bush et Blair ont menti intentionnellement », dit-il, « Ils étaient tous deux pro-sionistes. Ils voulaient détruire l'Irak pour le bien d'Israël, non pas pour les États-Unis et la Grande-Bretagne ». Dépositaire de tous les secrets du pays, notamment pendant la période d’embargo, il savait que l’Irak n’avait ni armes de destruction massive, ni programme pour en fabriquer. Tarek Aziz a confirmé les déclarations de Saddam Hussein aux enquêteurs de l’ONU, à savoir qu’il avait laissé planer le doute sur l’existence d’un programme d’armement de l’Irak pour dissuader l’Iran d’attaquer. « L’Iran est notre pire ennemi », dit-il. « Saddam était un homme fier. Son devoir était de défendre la dignité de l’Irak ». A la question de savoir si la fierté ne l’a pas emportée sur la sagesse, et si elle n’a pas conduit à la destruction de son pays », il répond : « Nous sommes Arabes, nous sommes nationalistes arabes. Nous devons être fiers ». Aujourd’hui, l’Iran « développe un programme d’armement. Tout le monde le sait et personne ne fait rien. Pourquoi ? ».

« Obama laisse l’Irak aux loups »

Alors que tous ses amis craignaient pour sa santé depuis son transfert du Camp Cropper, Tarek Aziz affirme qu’il est bien traité. Tant mieux, et on espère qu’il en est de même pour ses compagnons. Il dispose de l’air conditionné, des médicaments qui lui sont prescrits et peut prendre l’air dans un petit jardin à proximité de sa cellule. Il suit l’actualité de sa prison, à la télévision, et est horrifié par ce qu’il voit : « Pendant 30 ans, Saddam a bâti l’Irak, et maintenant le pays est détruit. Il y a plus de malades que dans le passé, plus de faim. Les services étatiques n’existent plus. Des gens sont tués tous les jours par dizaines, sinon par centaines. Nous sommes les victimes de l’Amérique et de la Grande-Bretagne…(…)... Ils ont tué notre pays ». « Quand Obama a été élu président, je pensais qu’il allait corriger certaines erreurs de Bush. Mais, c’est un hypocrite. Il laisse l’Irak aux loups ».

(2).

Un pas vers la « réconciliation » ?

Dernièrement, le Haut tribunal irakien a libéré Khamis Sirhan al-Muhammadi (3), ancien gouverneur de la province de Kerbala - n° 54 des dirigeants les plus recherchés par les occupants (4), faute de preuve à charge sur sa participation à l’assèchement des marais du sud du pays. Au moment où les Etats-Unis réduisent la présence de leurs troupes en Irak, et où il est question d’un soi-disant gouvernement d’union nationale, cette opération de communication décidée par Nouri al-Maliki marque-t-elle un pas dans le processus dit de réconciliation voulu par les Etats-Unis ? En tout cas, l’événement ne déplait pas à Iyad Allaoui. Quand il a appris que The Guardian allait interviewer l’ancien vice-Premier ministre, il a fait dire au journaliste : « Dites à Tarik Aziz qu'il est mon ami et que je pense souvent à lui. C’est un homme bon… C’est une erreur de le garder enfermé depuis si longtemps». Facile à dire aujourd’hui : s’il l’avait libéré entre mai 2004 et avril 2005, lorsqu’il était au pouvoir, l’Irak n’en serait sans doute pas là.

Notes :

(1) Tariq Aziz: 'Britain and the US killed Iraq. I wish I was martyred

http://www.guardian.co.uk/world/2010/aug/05/iraq-us-tariq-aziz-iran

(2) Saddam Hussein deputy Tariq Aziz calls for US forces to stay in Iraq

http://www.guardian.co.uk/world/2010/aug/05/tariq-aziz-interview-iraq

(3) Saddam regime commander on US most wanted list released from Iraq prison after 6 years

http://www.brandonsun.com/world/breaking-news/former-militia-commander-from-saddams-regime-released-from-iraq-prison-after-6-years-99926684.html?thx=y

(4) Khamis Sirhan al-Muhammadi, membre du Commandement régional du parti Bass, un des dirigeants de la résistance dans la province d’Al-Anbar, a été arrêté le 11 janvier 2005 contre le versement de 1 million de dollars à un informateur.

http://www.foxnews.com/story/0,2933,110311,00.html


Par Gilles Munier
http://www.france-irak-actualite.com/article-tarek-aziz-peut-enfin-parler-55020567.html

jeudi 5 août 2010

L’Irak n’a toujours pas de Premier ministre ni de gouvernement, mais on oublie qu’il n’a pas, non plus, de Président de l’assemblée nationale ni de Président de la République. Bien que sommés par leurs opposants d’expédier les affaires courantes, Jalal Talabani et Nouri al-Maliki, vissés à leur siège, font ce que bon leur semble, hors de tout contrôle.

Le Conseil de sécurité de l’ONU exhorte la classe politique irakienne à « former aussi rapidement que possible un gouvernement ouvert » son représentant à Bagdad, Ad Melkert, craint que le vide institutionnel ne soit exploité par « des individus opposés à la transition démocratique ». Parallèlement, les Etats-Unis font pression sur Iyad Allaoui, arrivé en tête des législatives du 7 mars, et Nouri al-Maliki pour qu’ils acceptent de gouverner le pays ensemble et mettent sur la touche Moqtada al-Sadr. Arrivé à mi- mandat, Barack Obama ne veut pas qu’une nouvelle dégradation de la situation en Irak, ajoutée à la déroute de l’OTAN en Afghanistan, perturbe la campagne pour sa réélection. Ce n’est évidement pas l’intérêt de l’Iran où l’ayatollah Khameini, « guide suprême de la révolution », tient à ce que le régime de Bagdad soit dirigé par une coalition chiite safavide, c'est-à-dire pro-iranienne.

Mais, au-delà des marchandages entre Washington et Téhéran et des ambitions politiques, tribales, ethniques ou religieuses inhérentes à la vie politique irakienne depuis 2003, il est un sujet dont personne ne parle, ou presque : les salaires mirifiques et les prébendes des dirigeants du pays. Sarmad al-Taie, rédacteur en chef du quotidien indépendant Al-Alam (1), a levé une partie du voile sur ce que touchent officiellement certains membres de la clique au pouvoir, qui expliquent aussi pourquoi ils sont scotchés à leur poste :

- Jalal Talabani, Président de la République : 700 000 $ par an.

- Adel Abdul Mahdi et Tariq al-Hashimi, vice-présidents de la République : 600 000 $ par an.

- Nouri al-Maliki, Premier ministre : 360 000 $ par an.

(Mais, selon certaines sources, son salaire serait en fait identique à celui du Président de la République)

- Rowsch Nouri Shaways, vice- Premier ministre : 172 000 $ par an.

Les salaires des hauts fonctionnaires choisis par les dirigeants, des gouverneurs de province, ne sont pas rendus publics. Des primes, notamment de risques, peuvent les augmenter de façon spectaculaire. Leurs frais d’hospitalisation sont à la charge de l’Etat.

Aucun journaliste, à moins d’être suicidaire, ne s’avisera à enquêter sur les prébendes des dirigeants, mais la rue irakienne, elle, n’hésite pas à dénoncer les doubles salaires versés par la CIA, le MI6, les Gardiens de la Révolution iranienne, le Mossad ou d’autres services secrets, les avances sur commission des entreprises étrangères, l’accès à des caisses noires, les trafics divers, la contrebande…

On comprend qu’aucun des nouveaux voleurs de Bagdad ne veuille quitter son poste. Ceux qui y seront contraints n’ont pourtant pas de souci à se faire: il leur sera versé 80% de leur dernier salaire jusqu’à la fin de leurs jours, auxquels ils pourront additionner le montant des retraites des autres fonctions gouvernementales qu’ils ont occupées.

Notes :

(1) Iraq’s Top Ten Salaries… And The Best Pension in The World, I guess

http://blogs.mcclatchydc.com/iraq/2010/06/iraqs-top-ten-salaries-and-the-best-pension-in-the-world-i-guess.html

Lire aussi : Les députés irakiens s’empiffrent

http://www.france-irak-actualite.com/article-les-deputes-irakiens-s-empiffrent--40658329.html

Par Gilles Munier

http://www.france-irak-actualite.com/article-le-roi-dollar-regne-en-maitre-a-bagdad-54970168.html

lundi 2 août 2010

La divulgation de documents confidentiels expose la guerre impérialiste en Afghanistan

dimanche 1er août 2010 - 17h:04

Alex Lantier - WSWS


Dimanche, le site internet WikiLeaks a mis en ligne 91 731 documents militaires américains sur l’occupation de l’Afghanistan par l’OTAN et les Etats-Unis couvrant la période de janvier 2004 à décembre 2009.

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Village de Bala Baruk dans la province de Farah - Le 5 mai 2009, les attaques aériennes de l’OTAN ont pris pour cible des habitations de civils, et ont causé la mort de plus de 150 personnes, pour la plupart des femmes et des enfants - Photo : Rawa.org

Le moment de la publication avait été choisi pour coïncider avec la parution d’articles concernant ces révélations dans le New York Times, le quotidien britannique Guardian et le l’hebdomadaire allemand Der Spiegel, qui tous avaient reçu ces documents il y a plusieurs semaines.

Les documents montrent clairement que l’occupation de l’Afghanistan est une sale guerre impérialiste. La résistance populaire et les manifestations de protestation sont noyées dans le sang, les escadrons de la mort américains agissent en toute liberté et sous le couvert d’un blackout médiatique, et Washington et l’OTAN collaborent avec une étroite élite de seigneurs de guerre et d’officiers afghans corrompus.

Les documents avaient été diffusés au moment où le gouvernement afghan confirmait qu’une attaque à la roquette de l’OTAN avait tué la semaine passée plus de 50 civils, en grande partie des femmes et des enfants, dans le district de Sangin dans la province de Helmand.

Les documents de WikiLeaks confirment l’ampleur massive de la répression par l’OTAN et les Etats-Unis. Selon la propre classification de l’armée américaine, qui minimise le rôle joué par les Etats-Unis et l’OTAN, la divulgation fait état de 13.734 rapports d’actions positives (« friendly action ») par les forces de l’OTAN et des Etats-Unis. Le nombre des attaques afghanes - il y 27.078 rapports concernant des « tirs ennemis » et 23.082 d’« accidents d’explosion » - ébranle les affirmations selon lesquelles la résistance afghane serait l’oeuvre de quelques terroristes d’al-Qaïda. Il y a 237 rapports de manifestations populaires contre l’occupation afghane ou contre les autorités afghanes contrôlées par les Etats-Unis.

Ces documents en soi ne seraient qu’une petite sélection parmi les millions de dossiers américains que WikiLeaks a dans ses bases de données. Les documents qui viennent d’être publiés montrent toutefois clairement que l’armée américaine juge les victimes afghanes comme étant sans importance et qu’elle compte sur les médias occidentaux pour dissimuler l’ampleur des meurtres aux populations des pays de l’OTAN et d’ailleurs.

Selon un rapport, le 28 mars 2007 des forces néerlandaises avaient ouvert le feu sur Chanartu, un village dans la province de Kandahar qui aurait été attaqué par les talibans. L’armée avait tué quatre villageois afghans et en avait blessé sept autres dans une opération qualifiée de « justifiée ». Le rapport dit que le gouvernement néerlandais s’était « engagé dans une campagne proactive de relations publiques pour empêcher toute retombée politique en Afghanistan et aux Pays-Bas », expliquant qu’autrement les soldats hollandais pourraient « hésiter » à tirer à l’avenir sur des Afghans. Les meurtres furent classés comme ayant été le résultat de forces « ennemies ».

Les documents, rédigés du point de vue de l’armée américaine dans le feu de l’action, sous-estiment souvent le nombre de victimes afghanes. Par exemple, le bombardement de Kunduz en septembre 2009 - lorsque des officiers allemands avaient fait appel au bombardement aérien américain des camions-citernes remplis d’essence, tuant 142 Afghans, en grande majorité des civils - est classé comme ayant causé la mort de 56 insurgés.

Les documents contiennent d’innombrables rapports de civils tués par balle pour s’être approchés de véhicules de l’OTAN ou pour ne pas s’être arrêtés à un point de contrôle. Deux situations survenues en 2008 sont relatées où des forces de l’OTAN ont mitraillé un car - l’une des situations impliquant des troupes françaises, blessant huit personnes et l’autre des troupes américaines, faisant 15 victimes.

Il y a aussi un nombre de cas où les forces de l’OTAN ont réprimé des manifestations, souvent en étroite coopération avec les autorités afghanes locales. Le 11 mai 2005, une unité de Marines avait fait état de manifestations à Jalalabad, en Afghanistan oriental. Après des demandes d’assistance émanant du gouverneur régional, Din Mohammed, les Marines ont recouru à des « AH-64 [hélicoptère d’attaque tout temps Apache] pour une démonstration de force. »

Sous couvert d’un soutien aérien, les forces afghanes et de l’OTAN étaient intervenues contre les manifestants. Bien que l’armée américaine a rapporté que 37 civils afghans ont été tués et 10 autres blessés, elle classa la manifestation de Jalalabad comme un « événement sans combat » par des « forces neutres ».

Les documents révèlent aussi l’existence de la Task Force 373 - un escadron de la mort secret, fortement armé composé de forces spéciales et qui montent des opérations sur l’ensemble de l’Afghanistan, en cherchant à assassiner les dirigeants talibans. Dans la nuit du 11 juin 2007, lors d’une tentative de capturer le commandant taliban Qarl Ur-Rahman près de Jalalabad, la Task Force 373 fut surprise par une patrouille de police afghane amie qui, dans la nuit, avait pointé une torche dans leur direction. La Task Force réclama un raid aérien mené par l’avion gunship AC-130 qui bombarda les policiers. Sept policiers afghans furent tués et quatre blessés.

Une semaine plus tard, la Task Force 373 avait lancé une autre mission contre Abu Laith al-Libi dans la province de Paktika. Le projet était de tirer une salve de six missiles sur le village de Nangar Khel où al-Libi était supposé se cacher puis d’y envoyer des troupes pour attaquer le village. Bien qu’ils n’aient pas trouvé al-Libi, ils se rendirent compte que la frappe de missiles avait tué six adultes, qu’ils qualifièrent de combattants talibans et huit enfants afghans dans une madrasa [établissement d’enseignement].

Le 4 octobre 2007, la Task Force avait attaqué des forces talibanes dans le village de Laswanday, à 6 miles seulement de Nangar Khel. Durant une interruption des combats les talibans s’esquivèrent. La Task Force 373, fit néanmoins appel au bombardement aérien, en tuant six civils, quatre hommes, une femme et une jeune fille. Deux adolescentes et un garçon ainsi que 12 soldats américains furent blessés. L’on soupçonne que quelques villageois afghans furent exécutés vu qu’un des hommes avait été retrouvé avec les mains ligotées derrière le dos.

Les forces de la coalition avaient tout d’abord publié un communiqué affirmant que les forces américaines avaient tué plusieurs militants talibans. Une unité américaine s’était rendue dans le village et avait cherché à rejeter la responsabilité pour les morts sur les villageois. Selon les rapports qui ont été divulgués, elle « soulignait que la responsabilité de la mort des innocents incombait aux villageois qui n’avaient pas tenu tête aux insurgés et à leurs activités anti-gouvernementales. »

Les documents révèlent aussi des pertes aériennes de plus en plus importantes de l’OTAN, dont nombre de drones et même d’avions avec pilote, dont au moins un avion de combat F-15 perdu au-dessus de l’Afghanistan. Dans un rapport d’avril 2007, l’armée américaine mentionne que le gouvernement iranien avait acheté des missiles anti-aériens portables du gouvernement algérien pour les donner aux insurgés afghans. Ce fait n’avait jamais été rapporté auparavant.

Le conseiller à la sécurité nationale à la Maison-Blanche, James L. Jones, a dénoncé la diffusion des documents par WikiLeaks en disant que Washington « condamnait fortement la divulgation de documents confidentiels par des individus et des organisations qui pourraient mettre en danger la vie des Américains et de nos partenaires et menacer notre sécurité nationale. »

Il a poursuivi « WikiLeaks n’a pas cherché à nous contacter au sujet de ces documents - le gouvernement des Etats-Unis a appris par les médias que ces documents seraient mis en ligne. »

Alors que le gouvernement américain est le plus directement concerné par les documents jusque-là divulgués, beaucoup d’autres pays doivent être préoccupés par le matériel supplémentaire qui pourrait être diffusé. Julian Assange, le fondateur de WikiLeaks, affirme disposer d’un matériel considérable sur les positions en Afghanistan de tout pays dont la population dépasse un million d’habitants, c’est-à-dire toutes les principales puissances mondiales.

L’occupation de l’Afghanistan est largement impopulaire dans le monde entier.

Lors d’une conférence de presse lundi à Londres, Julian Assange a dit qu’il avait reçu dernièrement de sources militaires davantage de « matériel de haute qualité ». Le Guardian a remarqué : « Washington craint d’avoir peut-être perdu même bien plus de matériel hautement sensible, y compris des archives contenant des dizaines de milliers de messages câblés originaires d’ambassades américaines de par le monde et concernant des contrats d’armement, des négociations commerciales, des réunions secrètes et des positions non censurées d’autres gouvernements. »

Assange est soumis à des pressions intenses de la part des Etats-Unis et de gouvernements alliés. Le Pentagone a proposé d’envoyer des enquêteurs pour le rencontrer en « territoire neutre » et discuter avec lui de ses sources, mais Assange a refusé. Après l’arrestation de l’analyste du renseignement militaire américain de 22 ans, Bradley Manning, le 26 mai à la base d’opération avancée Hammer à 22 miles en dehors de Bagdad, Assange a décidé de se cacher.

Manning est actuellement détenu dans une prison militaire américaine au Koweït.

Au début du mois. le gouvernement australien avait brièvement saisi le passeport d’Assange en lui disant qu’il pourrait être annulé. Assange est Australien.

Le Guardian a écrit que le journaliste « Daniel Ellsberg qui avait divulgué les documents du Pentagone a dit qu’il pensait qu’Assange pourrait bien se trouver physiquement en danger ; Ellsberg et deux autres anciens dénonciateurs ont mis en garde que des agences américaines pourraient « faire tout leur possible pour punir en guise d’exemple » le fondateur de WikiLeaks ».

Le Guardian affirme, qu’après une chasse à l’homme, ils avaient trouvé Assange dans un café à Bruxelles où il s’était rendu pour s’adresser au parlement européen. Il a accepté qu’une équipe de journalistes du Guardian puissent accéder aux rapports qui avaient également été envoyés au New York Times et au Spiegel.

A la question quant à sa sécurité lors de la conférence de presse au Frontline Club de Londres, Assange a dit : « Comme nous le savons tous, le Royaume-Uni est un Etat de surveillance. » Il a poursuivi en disant qu’il pensait avoir un soutien politique au Royaume-Uni de façon à qu’il serait difficile « qu’on m’arrête ou qu’on m’emprisonne. Je ne peux pas m’imaginer que cela puisse se passer dans ce pays, à moins qu’il y ait une erreur de communication entre la bureaucratie et la direction politique », à savoir que la police ou l’armée britannique décide de violer l’autorité du gouvernement.

En fait, la principale division n’est pas tellement entre le gouvernement pro-guerre de Cameron en Grande-Bretagne et l’appareil d’Etat mais entre les masses de la population laborieuse sur le plan international qui rejettent la guerre et les gouvernements et les forces de sécurité qui sont déterminés à la mener.

Il est significatif de noter qu’aucun des organes de presse qui ont rapporté la nouvelle n’a appelé à s’opposer à la guerre en Afghanistan. Au lieu de cela, l’éditorial du Guardian a réclamé son extension indéfinie. Il a écrit que les révélations faites dans les documents de WikiLeaks signifiaient que « l’Afghanistan n’est pas comme un cadeau emballé avec des rubans roses que les Etats-Unis ou la Grande-Bretagne sont sur le point de remettre à un gouvernement national souverain à Kaboul. »

Des sections de l’establishment politique américain insistent pour utiliser le matériel de WikiLeaks en effectuant un virage tactique dans le politique belliqueuse Etats-Unis et de l’OTAN à l’égard de l’Afghanistan et du Pakistan. Le sénateur américain John Kerry a publié une déclaration, disant : « Quelle que soit la manière illégale dont ces documents sont devenus publics, ils soulèvent de sérieuses questions quant au réalisme de la politique américaine envers le Pakistan et l’Afghanistan. Ces politiques sont dans une phase critique et ces documents pourraient très bien souligner les enjeux et rendre plus urgents les ajustements nécessaires à leur mise en adéquation. »

Kerry préside présentement les auditions du Comité des Affaires étrangères du Sénat sur la guerre en Afghanistan.

La fuite des documents secrets a été accompagnée par une campagne menée dans la presse américaine afin de dénoncer le soutien du gouvernement pakistanais de factions de seigneurs de guerre afghans opposés au régime Karzaï à Kaboul. La discussion a tourné autour du rôle joué par le lieutenant général Hamid Gul, l’ancien patron du renseignement militaire pakistanais - l’Inter-Services Intelligence (ISI).

Le New York Times a écrit : « Le lieutenant général Hamid Gul a dirigé l’ISI entre 1987 et 1989, à une époque où les espions pakistanais et la CIA avaient fait front commun pour aider les milices afghanes qui combattaient les troupes soviétiques en Afghanistan. Après l’arrêt des combats, il avait maintenu ses contacts avec les anciens moudjahidin qui éventuellement finiront par se transformer en talibans. »

Le New York Times poursuit en disant, « plus de deux décennies plus tard, il semblerait que le général Gul est toujours en activité. Les documents montrent qu’il a travaillé sans relâche pour réactiver ses anciens réseaux, en recourant à des alliés connus tels Jalaluddin Haqqani et Gulbuddin Hekmatyar dont les réseaux forts de milliers de combattants sont responsables de nombreuses vagues de violence en Afghanistan. »

Le gouvernement américain accuse à présent le Pakistan, qu’il reconnaît publiquement comme étant l’un de ses nombreux alliés, de soutenir les forces afghanes combattant les Etats-Unis. Ces accusations soulignent l’hypocrisie de base de l’intervention américaine en Afghanistan. Il n’est pas question de combattre l’islamisme ou le terrorisme de droite mais de défendre les intérêts stratégiques américains et de contrôler l’équilibre des pouvoirs sur un continent asiatique changeant rapidement.

Alors qu’il confronte une opposition populaire de masse à l’occupation américaine en Afghanistan, Washington a été en mesure de façonner un accord entre les factions appuyées par le Pakistan et réunissant Hekmatyar, Haqqani, et les talibans d’un côté, et les forces de l’Alliance du Nord soutenant le régime de Karzaï à Kaboul, de l’autre. Ces dernières ont historiquement été soutenues par le rival régional du Pakistan, l’Inde, ainsi que la Russie. Toutefois, un virage de l’impérialisme américain pour affronter le Pakistan comporte d’immenses dangers, notamment une confrontation avec la Chine, l’allié du Pakistan le plus puissant dans la région.

Du même auteur :

- Une attaque contre l’Iran est-elle imminente ? - 1e avril 2010
- La campagne contre la burqa marque un tournant anti-démocratique en France - 19 janvier 2010
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31 juillet 2010 - World Socialist Web Site - Vous pouvez consulter cet article à :
http://www.wsws.org/francais/News/2...