jeudi 30 décembre 2010

Tarek Aziz en attente d'exécution

Par Felicity Arbuthnot (Lettre au Guardian, 29/12/10)*
 
   Alors que les Etats-Unis et la Grande Bretagne accusent la Russie de prononcer une « condamnation motivée politiquement »  et que le Pape accuse la Chine de restreindre la liberté des chrétiens, l’ancien vice-premier ministre irakien et ministre des affaires étrangères, Tarek Aziz, attend son exécution. Chrétien et victime d’un procès à fortes consonances politiques, il connaît  la duplicité de l’Occident quand il s’agit de l’Irak.
   Le silence du pape, des archevêques, du Foreign Office, en dépit des proclamations de William Hague de placer les droits de l’homme au centre de sa politique, est affligeant. Des opposants à la peine capitale, dont des personnes éminentes tels que des évêques, les ont tous approchés. Aucun n’a répondu à la correspondance qui leur a été adressée. Tarek Aziz est un symbole de cette « démocratie » introduite en Irak. Son procès a été condamné par Human Rights Watch, qui l’avait constamment réclamé, comme ayant été « fondamentalement vicié » et a demandé que le « tribunal casse le verdict ».
   Tarek Aziz a, au moins, eu un semblant de procès. Il est le symbole des centaines de prisonniers qui attendent la mort en Irak sans avoir eu cette chance. Il est aussi un nationaliste qui a plaidé auprès de l’ancien pape que l’Irak ne soit pas détruit pas une invasion et a refusé de quitter ce pays auquel, malgré tous ses défauts, il a consacré sa vie. Sous Saddam Hussein, les prisonniers âgés de plus de 70 ans ne pouvaient êtres exécutés. Tarek Aziz a 74 ans et a été victime d’une attaque cardiaque. Il semble à beaucoup que ce que les Etats-Unis et la Grande Bretagne ont engendré en Irak perpétuent les excès du régime précédent. On ne peut qu’en être honteux. Saddam a été exécuté - d’aucuns disent lynché - le 31 décembre. Espérons que l’histoire ne dupliquera pas cette honte, en notre nom.  
 
*Tariq Aziz still faces execution in Iraq
http://www.guardian.co.uk/world/2010/dec/29/aziz-faces-execution-in-iraq
 

lundi 20 décembre 2010

Recherches pour trouver des fosses communes dans le sud irakien

20/12/2010 Un comité regroupant le gouvernement irakien, le Croissant rouge et la Croix rouge a débuté des recherches dans le sud de l'Irak pour trouver des fosses communes où avaient été enterrés des civils koweïtiens et irakiens, c'est ce qu'a annoncé lundi un membre du comité.
   
"Le comité a commencé son travail il y a deux jours, avec des visites quotidiennes dans le désert du sud entre les villes de Nassiriya, Bassora et Samawa, à la recherche de fosses communes contenant les civils koweïtiens et irakiens tués sous la dictature de Saddam Hussein", a expliqué ce membre sous couvert d'anonymat.
  
"Jusqu'à présent nous n'avons trouvé ni fosse commune ni corps", a-t-il ajouté, précisant qu'une délégation koweïtienne devait arriver à Nassiriya pour participer aux recherches.


L'armée irakienne a envahi le Koweït en août 1990. Selon un communiqué de la Croix rouge en juin, "des centaines de Koweïtiens et d'Irakiens sont toujours portés disparus" depuis cette période.
 
L'Irak doit régler plusieurs questions avec le Koweït, et en particulier celle des disparus de la guerre, pour que les sanctions imposées depuis le conflit soient entièrement levées.


Bagdad verse encore 5% de ses revenus pétroliers à un fonds de compensation pour le Koweït qui lui réclame encore 22 milliards de dollars après en avoir reçu quelque 13 milliards.

mardi 14 décembre 2010

De l'espionnage israélien aux Etats-Unis 

 

 Un article de Xavière Jardez
 
  Aucun pays n’a connu, de tout temps, de la part des Américains, autant de largesses, d’indulgence ou de protection qu’Israël dans le cadre de leur « relation spéciale » : dernièrement, dans l’espoir d’atténuer l’intransigeance d’Israël sur la colonisation de la Cisjordanie ou de Jérusalem Est, de raviver les négociations de paix moribondes, les Etats-Unis ne lui ont-ils pas offert de juteux contrats d’armement*?  Et, de cette relation spéciale, est née une guerre d’espionnage dont les Etats-Unis sont la victime.
 
   Jonathan Jay Pollard, analyste civil des services de renseignements de la Marine, qui a reconnu avoir espionné pour Israël, a été condamné à perpétuité en 1987. Ian Williams, dans un article de juillet/août 1993 dans le Washington Post, écrivait que « même si Pollard a dit avoir été motivé par la sécurité d’Israël, il n’empêche qu’il a été grassement payé (et l’ai toujours) par le gouvernement israélien. Ses protecteurs lui ont aussi offert des cadeaux et des voyages pour lui et sa femme en Europe. La sévérité de la sentence est fondée sur le témoignage non public de l’ancien Secrétaire à la Défense, Caspar Weinberger, qui a déclaré que Pollard avait eu de la chance  car il aurait  mérité trois condamnations à vie. Pollard a fourni aux services secrets israéliens plus de mille documents US classés secret défense comprenant des centaines de pages, soit au total quelque 100 mètres cubes de papier ».
    « Selon Seymour Hersch, journaliste d’investigation, Pollard a vendu à Israël  des  informations vitales sur les cibles nucléaires de l’Union Soviétique (en fait le plan d’attaque US de l’Union Soviétique). Des sources de la Défense US suggèrent que ce qui a causé le plus de colère au Pentagone et à travers la communauté du renseignement aux Etats-Unis était que ces informations fournies par Pollard mettaient en danger les agents se trouvant en Union Soviétique et ailleurs. Les services de renseignements US – de l’avis même du directeur de la CIA de l’époque, Bill Casey - ont conclu que les Israéliens les avaient troquées avec l’Union Soviétique » pour obtenir des Soviétiques la levée des restrictions en matière de voyage des Juifs de ce pays pour qu’ils émigrent en Israël.
Une « taupe » haut placée
   Jusqu’en 1998, Israël a démenti publiquement que Pollard fut un espion à sa solde bien qu’il lui ait accordé la nationalité en 1995. Il avait d’ailleurs tenté d’obtenir sa grâce mais les protestations massives de la communauté du renseignement et de la défense américaine avaient fait échoué la tentative. De même que la menace de démissions aux plus hauts échelons du renseignement avait torpillé les efforts de Bill Clinton pour échanger Pollard contre des  concessions des sionistes « dans le processus de paix ». Une nouvelle campagne est d’ailleurs à l’œuvre pour libérer Pollard initiée par trente députés démocrates et les principales organisations juives des Etats-Unis, dont B’nai B’irth International, Zionist Organization of America, Religious Action Center of Reform Judaism, Agudath Israel, l’ancien candidat à la présidence et Chrétien sioniste, Gary Bauer avec son organisation « American Values »
   Le cas de Pollard est emblématique de cette lutte longue et incessante du contre-renseignement US pour se débarrasser de ce cauchemar dans la mesure où Pollard était loin d’être seul et le seul dans cette entreprise : une « taupe » haut placée devait obligatoirement lui fournir les éléments clés sur le lieu et la nature des documents à rechercher.
   C’est ainsi que les services secrets ont poursuivi Ben Ami Kadish qui avait partagé le même intermédiaire israélien avec Pollard, qu’ils ont arrêtés Steve Rosen et Keith Weissman, deux dirigeants du puissant lobby pro-israélien, AIPAC, qu’ils ont écouté les conversations de Jane Harman avec un agent israélien qui promettait d’intervenir dans le cas de Rosen et Weissman.
Piégé par agent du FBI
se faisant passer pour un agent du Mossad
   Et, depuis décembre 2009, un nouveau front a été ouvert dans cette guerre souterraine avec l’arrestation de Stewart David Nozette, un scientifique ayant travaillé pour le Pentagone, qui avait accès aux secrets nucléaires les mieux gardés et était en tête dans la recherche de l’eau sur la lune. Il a occupé de hautes fonctions au Département de l’Energie, de la Défense, à la NASA et a été membre du Conseil  national de l’Espace de la Maison Blanche sous Bush père.
   En d’autres termes, il n’était pas quelque médiocre quidam désireux de vendre son pays pour des espèces : il était l’un des grands, le principal contributeur à la réalisation du radar biostatique Clementine qui permet aux scientifiques US de découvrir l’eau sur la lune, une sorte de Oppenheimer dont l’apport particulier au programme spatial US et à ses applications militaires lui avait valu une accréditation sur le plan de la sécurité que peu ont obtenue.
   En fait, Nozette a été piégé par un agent du FBI ou d’un autre service posant comme agent du Mossad. De 1998 à 2008, il a occupé les fonctions de consultant dans « une société aérospatiale entièrement détenue par le gouvernement israélien » au sein de laquelle, une fois par mois, des représentants de la compagnie lui soumettaient des questions ou des tâches. Il y répondait contre paiements réguliers à hauteur de 250 000 dollars. Il s’était, aussi, enquis de la possibilité d’obtenir un passeport israélien et du droit de retour.
Pillage des découvertes technologiques
   En 2007, le FBI a fait une descente dans les locaux d’une association non lucrative qu’il avait fondée, l’Alliance pour la Compétitivité Technologique (ACT) sous prétexte qu’ayant obtenu des contrats du gouvernement fédéral, il avait escroqué ce dernier en facturant des prix excessifs.
   La réalité est que le FBI supputait, depuis quelque temps, que ACT transmettait des secrets à Tel Aviv. En effet, ACT dont l’objet social était le transfert de technologie, favorisait les activités israéliennes en pillant les dernières découvertes technologiques américaines, particulièrement dans le domaine militaire, à tel point que la Cour des Comptes (General Accounting Office) les avait qualifiées «d’opérations d’espionnage les plus agressives à l’encontre des Etats-Unis de n’importe quel allié américain ». ACT avait signé  des contrats avec le Laboratoire de Recherche de la Marine US à Washington, l’Agence de Projets de Recherche Avancée de la Défense à Arlington, le Centre de Vol Spatial Goddard de la Nasa à Greenbelt. Il ne fait aucun doute que des données essentielles, vitales,  sur ces projets ont nourri le Mossad.
   La nature et l’étendue de l’espionnage israélien aux Etats-Unis ne sont  pas un sujet que la presse ordinaire, aux Etats-Unis ou en Europe, s’aventurent à explorer. Cependant, quand cela arrive, les résultats sont déroutants : la série en quatre parties sur l’espionnage israélien aux Etats-Unis, de Carl Cameron, sur Fox News, en décembre 2001 nous apprend que les Israéliens avaient suivi les terroristes du 11 septembre, connaissaient leurs plans mais n’avaient pas pensé à en informer les Américains. Et, il y avait aussi ceux qui dansaient de joie à la vue des Tours Jumelles en flammes……
* Un nouveau système de défense est développé par Israël, soutenu par les Etats-Unis, sous le nom de « David’s Sling » (la Sarbacane de David), pour protéger l’Etat hébreu contre une attaque de missiles s’ajoutant à un approvisionnement en équipement militaire massif. Ce dernier comprend la fourniture de la dernière génération de 20 avions de combat F-35 entièrement financés par le Pentagone, pour une valeur de $ 2,75 milliards y compris une aide de $1.5 milliards pour la fabrication par  la défense israélienne de pièces détachées pour les F.35.L’administration Obama a aussi déboursé 422.7 millions de $ pour le système Iron Dome construit par Israël et l’expansion de la production du  système Arrow 3 dont le coût sur dix ans s’est élevé à 3milliards de $ payés par les Etats-Unis. N’est pas oubliée la vente à Israël du carburant pour les troupes terrestre, l’aviation pour un montant de 2milliards de dollars  « pour assurer à Israël la supériorité aérienne »
Sources : Washington Report on Middle East Affaires, november 2010,19 - WRMA, december 2009
 
Par Gilles Munier 

http://www.france-irak-actualite.com/article-de-l-espionnage-israelien-aux-etats-unis-63027088.html

jeudi 9 décembre 2010

Le Mossad derrière les liquidations des scientifiques irakiens


Un rapport accablant

Wikileaks : le Mossad a liquidé trois cents cinquante scientifiques et trois cents universitaires irakiens.
07/12/2010
Des documents de wikileaks ont révèlé que Washington a incité le Mossad israélien à assassiner 350 scientifiques nucléaires et plus de 300 universitaires irakiens depuis l’invasion de l’Irak en 2003. Cette opération avait commencé juste après l’échec de l’administration Bush et ses agents à les recruter pour les faire travailler sur le territoire américain. Alors le choix idéal et simple fut de les liquider.
C’est ce que révèle un rapport émanant du State department et adressé au président Bush expliquant que le Mossad a réussi, avec l’aide des forces d’occupation, des milices et du gouvernement irakien, à liquider les scientifiques nucléaires les plus illustres et des universitaires, toutes spécialisations scientifiques confondues.
Le  rapport note que certains scientifiques ont été contraints de travailler dans des centres de recherche américains et iraniens, alors que d’autres, plus nombreux encore, ont refusé de le faire dans certains domaines de recherche. De nombreux autres ont fui l’Irak pour d’autres pays alors que certains d’autre ont choisi de demeurer dans le pays.
Le rapport indique aussi que les scientifiques qui ont tenu à demeurer en Irak ont été soumis à de nombreuses séances d’interrogatoire accompagnées parfois de torture par les autorités officielles irakiennes avec ses consignes spéciales de Maliki en personne.
Mais Israël est toujours convaincu que sa sécurité demeure menacée si ces scientifiques restés en vie reprendraient leur travail au cas où l’Irak retrouverait la paix et la stabilité.
Le document révèle aussi que le Pentagone avait exprimé son accord avec le  rapport des services secrets israéliens et que c’est pour cette raison qu’il a été décidé que des commandos israéliens aidés par des milices pro-iraniennes se chargent de cette mission. Un groupe sécuritaire irakien a été chargé d’apporter son soutien aux commandos israéliens et aux milices chargés de cette mission.
Selon ce rapport, des personnalités officielles de premier rang, dont notamment Nouri Al-Maliki et Jalal Talabani se chargeaient d’établir des  C.V. complets des scientifiques recherchés, de préciser leurs adresses et les moyens de les atteindre.
Cette opération a conduit jusqu’ici à la liquidation de 350 scientifiques nucléaires et plus de 300 professeurs d’université. Elle se poursuit toujours et vise, selon le rapport cité, plus de 1.000 savants irakiens.

Traduit de l’arabe par Ahmed Manai

http://tunisitri.wordpress.com/2010/12/09/le-mossad-derriere-les-liquidations-des-scientifiques-irakiens/

http://www.iraqirabita.org/index.php?do=article&id=26910/


http://tunisitri.wordpress.com/
  
Dédié à la Résistance des peuples en lutte pour leur indépendance, 
leur liberté et leur dignité!

mercredi 8 décembre 2010

Compte à rebours pour Tarek Aziz et ses compagnons condamnés à mort

   Le 5 décembre, Hoshyar Zebari, ministre kurde irakien des Affaires étrangères (et proche parent de Massoud Barzani) a rejeté la demande de clémence en faveur de Tarek Aziz présentée par  son homologue italien Franco Frattini, en visite en Irak.
   Zebari a demandé à l’Italie et aux pays étant intervenus dans le même sens – parmi lesquels plusieurs pays arabes – « de respecter la décision de la justice irakienne ». « Les droits de M. Aziz ont été respectés. Il avait des avocats. Son procès n'a pas été secret » a-t-il affirmé lors d’une conférence de presse donnée en présence de Frattini.
   Le ministre irakien ment. Tout le monde sait que les procès politiques en Irak sont injustes, marqués par le confessionnalisme, le communautarisme et l’esprit de vengeance.
   Certes, le procès de Tarek Aziz n’était pas « secret », mais il n’était pas public et ses droits n’ont pas été respectés. Sa condamnation et celle des ses compagnons (1) avaient été fixées à l’avance. Le juge était membre d’Al-Dawa et son avocat, commis d’office, choisi par le régime de Bagdad. Bushra al-Khalil, avocate libanaise, a été privée de son droit de plaider.
   Franco Frattini s’est également entretenu avec Nouri al-Maliki de la situation des chrétiens irakiens, au risque de donner l’impression que les Occidentaux ne se préoccupent que du sort de cette minorité. Les mandéens, les shabaks et les yézidis, opprimés eux aussi pour des motifs religieux, parlent, à mots couverts, de discrimination. L’idée de Mgr Louis Sako, archevêque chaldéen de Kirkouk - à qui Pax Christi International vient de décerner son prix de la paix – de créer une force internationale pour protéger les chrétiens irakiens, est particulièrement contre productive (2).
   Tarek Aziz et ses compagnons condamnés à mort attendent la nomination des vice-Présidents de la République pour savoir si l’un d’eux – comme lors de précédents procès politiques – est susceptible de signer leur arrêt de mort à la place de Jalal Talabani, qui dit être hostile à la peine capitale.
 
 (1) Dans ce procès, les condamnés à mort sont : Tarek Aziz, Saadoun Shaker, Abed Hammoud, Sabawi Ibrahim et Abdel Ghani Abdel Ghaffour.
 
 
Par Gilles Munier 

Sur France-Irak Actualité

lundi 6 décembre 2010

  Acharnement judiciaire contre Tarek Aziz

   Condamné à 22 ans de prison (15+7) dans deux procès en 2009, puis condamné à mort fin octobre 2010, Tarek Aziz vient d’écoper de 10 ans de détention supplémentaire pour « atrocités envers des Kurdes ». Le message du régime de Bagdad est clair : si l’ancien vice-Premier ministre est gracié, il mourra de toute façon en prison. Et pour bien enfoncer le clou, d’autres procès, dit-on, l’attendent.
Des avocats déboussolés
   Malgré le refus de Tarek Aziz de faire appel à sa condamnation à mort, ou de solliciter sa grâce, ou encore d’avoir un régime spécial parce que « chrétien chaldéen », son fils Ziad a chargé Giovanni Di Stefano, avocat italien de son père, de remettre une demande de clémence à Saywan Barzani, ambassadeur d'Irak en Italie et neveu de Massoud Barzani. Dans ce courrier adressé, semble-t-il, à Nouri al-Maliki, Ziad Aziz qui a obtenu la nationalité jordanienne, a déclaré « apprécier les efforts du gouvernement irakien pour rétablir la démocratie ».
   Maître Badie Aref, de son côté, a décidé de se retirer de l’équipe de défense de Tarek Aziz. Il a déclaré au quotidien Al Qods Al-Arabi, qu’il ne s’occuperait désormais que des prisonniers « non chrétiens ». En route pour Bagdad – où il affirmait être menacé de mort, il y a encore quelques semaines -, Badie espère rencontrer son client et lui expliquer le pourquoi de sa décision.
Vendetta confessionnelle et politique
   La déclaration de Jalal Talabani disant qu’il ne signerait pas l’arrêt de mort de Tarek Aziz « parce que chrétien » a donné l’impression que les Occidentaux font campagne pour la libération de l’ancien vice–Premier ministre irakien uniquement pour des motifs confessionnels. Ce n’est évidement pas le cas du Comité pour la libération des détenus politiques irakiens (CLDPI). Le nom de Tarek Aziz est mis en avant uniquement parce qu’il est connu sur la scène internationale, le sort qui lui est réservé permettant d’attirer l’attention des opinions publiques sur celui de TOUS les prisonniers politiques irakiens.
   La vie des prisonniers condamnés à mort est toujours menacée car, en Irak, la justice est synonyme de vendetta anti-baasiste, anti-sunnite, anti-chiite – quand ces derniers ne sont pas pro-iraniens - et en ce qui concerne Tarek Aziz : anti-chrétienne. Pour preuve : des télégrammes diplomatiques de WikiLeaks dont fait état le quotidien Le Monde*. L’ambassadeur américain Zalmay Khalilzad  y rend compte de son entretien, le 6 juin 2006, – c'est-à-dire quelques jours après l’exécution du Président Saddam Hussein – avec Monqith Al-Faroun, procureur adjoint du « Haut tribunal pénal». A la question de savoir si l’exécution était bien « légale » - Jalal Talabani ne l’ayant pas formellement autorisée - le juge lui a répondu que personne ne pouvait abroger une sentence prononcée par ce tribunal, y compris le chef de l’Etat. Dans un autre télégramme, l’ambassadeur signale que pour Tarek al-Hashemi, vice-Président sunnite de la République, l’exécution de Saddam était avant tout une vengeance d’Al-Dawa.
   A noter que Khalilzad s’était bien gardé de poser la question de la « légalité » de l’exécution avant qu’elle n’ait eu lieu… et que la plateforme sur laquelle le Président irakien a été pendu a été construite par l’armée américaine.
 
* WikiLeaks : les conditions gênantes de l'exécution de Saddam Hussein, par Patrice Claude (Le Monde – 5/11/10).
http://www.lemonde.fr/international/article/2010/12/05/wikileaks-l-execution-de-saddam-hussein_1449185_3210.html
 
Par Gilles Munier

jeudi 2 décembre 2010

Article de Gilles Munier,
paru dans Afrique Asie (décembre 2010)
 
La guerre d’Irak a fait voler en éclats la Convention internationale contre le recrutement, l’utilisation, le financement et l’instruction de mercenaires, votée par l’Assemblée générale des Nations unies en 1989 et ratifiée par 32 Etats. A l’écart du conflit irakien après le discours mémorable de Dominique de Villepin à l’ONU en 2003, la France y participe désormais, peu ou prou, avec un ambassadeur de choc et des sociétés dites de sécurité.
 
   Nicolas Sarkozy est-il en guerre contre la résistance irakienne ? En autorisant des « sociétés de sécurité » françaises à s’implanter à Bagdad, il a engagé la France dans un engrenage dont il ne mesure pas vraiment les risques. Les « gardes du corps » français, qui, sous couvert de protection rapprochée, accueillent et accompagnent les hommes d’affaires, sont perçus par la population comme des « contractors » - mercenaires - au même titre que les employés de la quarantaine de SMP (Sociétés Militaires Privées) étrangères qui sèment la terreur dans le pays. Et, elles le sont d’autant plus que Boris Boillon, l’ambassadeur de France, tient des propos laudateurs effarants sur la sécurité dans le pays, célèbre les vertus de l’occupation américaine et de la bonne gouvernance du régime pro-iranien.
L’American way of war
   Certes, les « contractors » de Geos, la plus grande entreprise de sécurité privée française, de Gallice-Security et d’Anticip SAS, qui se partageant les miettes laissées par les SMP anglo-saxonnes, n’ont rien des tueurs engagés par leurs concurrentes, ni des aventuriers recrutés par Bob Denard, le célèbre « soldat de fortune » français. Geos, créée par Stéphane Gérardin, ancien du service action de la DGSE, est présidée par le général Jean Heinrich, ancien patron de la DRM (Direction du renseignement militaire). La société Gallice est dirigée par Frédéric Gallois, ancien chef du GIGN (Groupe d'intervention de la Gendarmerie nationale), et Anticip par Richard Terzan, ancien expert des « risques spéciaux » de la Lloyd’s, un des leaders historiques de l'assurance. Toutes se placent dans la perspective d’une modification de la loi du 14 avril 2003 «relative à la répression de l'activité de mercenaire ». En effet, l’Elysée veut réintroduire en douceur le mercenariat dans le droit français. Après avoir vanté l’American way of life, Nicolas Sarkozy tente d’imposer l’American way of war, pour reprendre une formule de G. H Bricet des Vallons, auteur d’ Irak, terre mercenaire. Le marché du mercenariat étant estimé à 100 milliards de dollars pour les dix prochaines année, en ces temps de crises les arguments avancés sont évidement d’ordre économique : « il ne faut pas laisser ces contrats juteux aux autres pays », « le budget de la Défense serait mieux utilisé » et « cela permettrait de reclasser les militaires en fin de carrière… de réduire le chômage » … La décision d’externaliser des activités militaires combattantes n’étant, semble-t-il, qu’une question de temps, la société parisienne Vitruve DS, dirigée par Didier Raoul, ancien commandant des forces spéciales, a réclamé la privatisation de l'Ecole des troupes aéroportées de Pau (Etap), proposition jugée « inadmissible », portant atteinte « aux fonctions régaliennes de l’Etat », par Martine Lignières-Cassou, députée socialiste du Béarn, membre de la commission Défense nationale.
Des Français
dans les SMP anglo-saxonnes
   En attendant une éventuelle modification de sa législation en matière de mercenariat, la France ferme les yeux sur la présence d’anciens militaires français dans les SMP anglo-saxonnes. « Franck Hugo », mercenaire en Irak en 2003-2004, ancien légionnaire ayant participé à la tentative de coup d’Etat de Bob Denard aux Comores en 1995, aurait négocié, en accord avec l’antenne DGSE à Bagdad, la libération de Christian Chesnot et Georges Malbrunot enlevés par l’Armée islamique en Irak. Deux SMP étatsuniennes : EHC (Earthwind Holding Corporation) de Bruno Trinquier et Eagle Black Group dirigé également par un Français, recrutent des « contractors » hexagonaux, tout comme l’australienne Unity Resources Group, basée à Dubaï, responsable de 38 tirs sur des civils irakiens… tous justifiés, bien sûr. La justice australienne lui reproche seulement d’avoir tué trois diplomates australiens qui roulaient trop près d’un de ses convois. Enfin, Philippe Legorjus, ancien commandant du GIGN, patron d’Atlantic Intelligence a créé une filiale avec le Stirling Group britannique pour accéder au marché de la « gestion des risques internationaux », sans enfreindre la loi de 2003.
Sahwa et contractors : même combat !
   En Irak, la protection est facturée 6 000 $ par jour par Anticip, plus si des déplacements sont effectués dans le pays. Pour l’instant, aucun homme d’affaires n’a été victime d’attentat ou d’attaque, et c’est tant mieux. Mais qu’adviendra-t-il lorsque Al Qaïda en Mésopotamie mettra ses menaces à exécution ? En 25 mars dernier, le Front pour le Djihad, la Libération et le Salut national (JLNSF), d’Izzat Ibrahim al-Douri, a averti les entreprises étrangères qu’elles étaient des « cibles légitimes » pour la résistance, les assimilant à des forces occupantes. Que penser du risque insensé pris par la société Gallice en s’associant au cheikh de la milice tribale sahwa des Abou Rish, un des pires suppôts de la CIA, pour assurer la protection du ministère irakien des Affaires étrangères ? La signature du premier contrat étatique accordé à une entreprise française de sécurité -  500 000$ - tient certainement plus au désir du ministre kurde Hoshyar Zebari de faire une fleur à son vieil ami Bernard Kouchner qu’aux capacités, reconnues, de cette société. Que se passera-t-il le jour où des « gardes du corps » français dégaineront leurs armes pour protéger une délégation, ou pour se sortir d’un guet-apens? Il ne sera alors plus question de mission défensive, mais de guerre ouverte avec toutes les conséquences qui en découlent. Voilà vers quoi conduit la politique mercantile, et à courte vue, de Nicolas Sarkozy en Irak. La légalisation de SMP françaises, avec leurs « bavures » inévitables, salirait encore plus l’image qu’a actuellement la France à l’étranger.
 
Appendice :
Le « nouvel eldorado » irakien
   Alors qu’une quarantaine de chefs d’entreprise français s’apprêtait à quitter Paris pour Bagdad, où ils se déplaceraient en convoi blindé, précédé par une automitrailleuse de Gallice, le « Haut tribunal pénal » irakien condamnait à mort de Tarek Aziz, Saadoun Shaker et trois anciens dirigeants baasistes. Pendant que Boris Boillon, ambassadeur-Rambo, présentait l’Irak comme un « nouvel eldorado » et que Anne-Marie Idrac, ministre du Commerce extérieur, visitait la Foire internationale de Bagdad, protégée par les mercenaires de Triple Canopy, les forces de sécurité irakiennes attaquaient la cathédrale syriaque catholique Notre-Dame-du-Perpétuel-Secours où étaient retranchés des terroristes, provoquant le massacre d’une cinquantaine de fidèles. Le lendemain, des bombes et des obus de mortiers explosaient dans les quartiers chiites, faisant encore plus de victimes. Le ministère français des Affaires étrangères a condamné ces attentats, mais n’a rien dit en faveur de Tarek Aziz ni de ses compagnons, tous « amis de la France ». Faut-il rappeler, comme l’a fait Maître Vergès lors d’une conférence de presse avec Mme Shaker, à Paris, le 12 octobre, que la peine de mort, suspendue en 2003, au moment de leur arrestation, par l’Autorité provisoire de la Coalition, ne peut s’appliquer à aucun d’entre eux, même si elle a été rétablie ensuite?
 
Par Gilles Munier 

http://www.france-irak-actualite.com/article-des-mercenaires-fran-ais-en-irak-62220293.html