lundi 28 juin 2010

Le bourbier afghan : Est-ce une guerre juste?


Mondialisation.ca, Le 27 juin 2010



«Les armes doivent s’incliner devant les toges.» Proverbe romain

Stanley McChrystal, l’architecte de la guerre Otan - taliban, a été remercié après avoir donné une interview très critique à l’égard de l’administration Obama. Il a été, à la tête des forces alliées en Afghanistan remplacé par le général David Petraeus, homme clé de la guerre en Irak. Vingt-quatre pour le général Stanley McChrystal. heures après la publication très critique sur la stratégie de l’administration Obama, le chef des forces américaines et alliées en Afghanistan a été révoqué . «C’est un changement d’homme, pas de stratégie», a insisté le président démocrate. Il a d’ailleurs, réclamé de son équipe, minée par des conflits internes, un effort d’unité sur le dossier afghan. Rendant hommage à la carrière de Stanley McChrystal, Barack Obama a affirmé le voir partir «avec un regret considérable», mais « il s’agit d’une bonne décision pour la sécurité nationale et nos soldats», a-t-il insisté.

«Le limogeage par Barack Obama du général McChrystal, écrit Mathilde Gerard, devrait permettre de poser la question «de l’incohérence de la stratégie d’Obama en Afghanistan», juge quant à lui le Huffington Post, qui souligne qu’à de nombreuses reprises, McChrystal a critiqué publiquement ses supérieurs civils et dénoncé leur «vision à court terme», notamment leur volonté d’établir une stratégie de «contre-terrorisme» qui, selon McChrystal, ne pouvait conduire qu’à un «chaos-istan». Pour Politico, le choix de David Petraeus comme remplaçant de McChrystal est celui d’un « acteur politique à poigne, que les avocats de la poursuite de l’action militaire en Afghanistan espéraient voir en place avant l’échéance de 2011». Le général Petraeus est, en effet, réputé être proche des républicains et partisan d’une action militaire continue».(1)

Les raisons sont ailleurs

Les taliban ont, de leur côté, annoncé jeudi 24 juin qu’ils étaient indifférents au limogeage du chef des forces internationales en Afghanistan. «On se moque de savoir qui commande, McChrystal ou Petraeus. Notre position est claire. Nous combattrons les envahisseurs jusqu’à leur départ », a ainsi déclaré un porte-parole du commandement. Pour rappel, les tensions entre l’officier et l’Exécutif américain sont apparues au grand jour au moment où les forces internationales sont engagées dans deux offensives cruciales face aux taliban dans le sud de l’Afghanistan, et subissent de lourdes pertes avec 70 soldats tués depuis le début juin. Au total, 290 militaires étrangers sont morts dans le cadre des opérations militaires en Afghanistan depuis le début de l’année. Un chiffre : en mars 2008, après plus de six ans de combat, selon les données de l’Afghanistan Conflict Monitor se référant au total de ceux qui ont péri dans cette guerre, il dépasse les 8000 personnes en 2007. Nous aurions un total estimé entre 20.000 et 25.000 morts entre octobre 2001 et juin 2008.

Est-ce que l’on peut comprendre qu’un général soit remercié pour des propos aussi malveillants quand on sait toute l’importance de la guerre en Afghanistan? Est-ce pour les propos que ce général a tenus à propos de l’intransigeance qui minerait tout effort des solutions au Moyen- Orient et partant, sur le conflit afghan?

Pour Agatha Kovacs, la raison est à chercher dans la débâcle malgré les milliards de dollars gaspillés et dont les Afghans ne voient pas la couleur. Ecoutons-la :

«En réalité, écrit Agatha Kovacs, l’éviction du chef militaire en Afghanistan serait due à son incapacité à reconquérir le district Marjah, lors de «l’opération moshtarak» il y a quelques semaines, et plus encore, suite à l’annulation de l’offensive dans la province de Kandahar, fief de la résistance afghane.»

Il faudrait néanmoins, être naïf pour voir là la vraie raison de l’éviction du chef militaire de l’Otan en Afghanistan. D’ailleurs, selon le Canard Enchainé, à la direction du renseignement militaire, on affirme d’ailleurs, que l’état-major a reçu l’ordre de Sarkozy de ne pas revendiquer un quelconque partage des responsabilités. (...) Le patron du Pentagone, Roberts Gates, admet implicitement l’existence d’un tel «merdier». Dimanche 20 avril, interrogé par la chaîne Fox N, il a déclaré : «Il est beaucoup trop tôt pour évaluer si la mission en Afghanistan est en train de réussir ou non.»

« Puis il a laissé entendre que l’objectif fixé par Obama - un retrait partiel de l’Afghanistan en juillet 2011 - ne pourra être obtenu. Confirmation quelques heures après l’émission de Fox News : 10 soldats (américains, britanniques et australiens) trouvaient la mort sous les coups de la résistance afghane.(...) L’opération de la reconquête du district de Marjah, menée récemment au sud de l’Afghanistan a été, de l’aveu même du général MacChrystal, un échec. La résistance afghane a regagné la région et n’a pas hésité a exécuter les traitres qui avaient collaboré avec l’ennemi américain. (...) Ce constat a conduit McChrytal à annuler l’offensive qu’il envisageait de mener dans la province de Kandahar, ce qui a contrarié les plans de l’administration américaine, et a finalement décidé, aujourd’hui, le président Obama à limoger McChrystal au bénéfice du général Petraeus. Comme le relève un article de l’hebdomadaire américain Times du 14 juin dernier, les États-Unis ont déjà dépensé 26 milliards de dollars uniquement pour former l’armée afghane du traitre Karazaï. Une «farce» aux frais des contribuables américains. La nomination de Petraeus ne changera rien à la donne, pour les États-Unis et l’Otan, cette guerre est définitivement perdue.» (2)

Naturellement, les morts afghans sont le plus souvent victimes de drones. Ecoutons Sarah Daniel nous décrire la nouvelle guerre à distance expérimentée en Afghanistan :

«Des avions sans pilote sillonnent le ciel de l’Irak, de l’Afghanistan et surtout du Pakistan. Commandés à des milliers de kilomètres de distance, ce sont les yeux et les oreilles de l’armée et des services de renseignement américains. Ce sont surtout de nouvelles machines à tuer qui bouleversent l’histoire militaire. Le 5 août 2009, dans la soirée, Baitullah Mehsud, chef des taliban pakistanais et assassin présumé de Benazir Bhutto, prend le frais avec son épouse sur la terrasse de sa maison, dans un village du Sud-Waziristan. L’image capturée par la caméra infrarouge d’un avion sans pilote Predator qui survole la région à plus de 3000 mètres d’altitude montre distinctement le taliban sous perfusion pour soigner son diabète. Quelques secondes plus tard, il ne reste plus de Mehsud que des fragments de torse».

« Deux missiles Hell Fire tirés par un drone téléguidé des Etats-Unis ont eu raison du chef des taliban ainsi que de sa femme, de ses beaux-parents et de sept de ses gardes du corps. Après avoir accompli cette mission au Waziristan, les agents quittent le quartier général de la CIA, à Langley, dans la banlieue de Washington, pour rentrer chez eux. Le seul risque qu’ils ont pris ce jour-là? Rehman Malik, le ministre de l’Intérieur du Pakistan, décrit le bombardement filmé par le drone à une journaliste de l’hebdomadaire américain The New Yorker. «On pensait que les films de James Bond étaient des contes de fées, mais c’est la réalité !», a-t-il expliqué, impressionné par les images de l’attaque.» (3)

« Aujourd’hui, il existe plus de 300 types de drones. Du micro-drone, le Nano Flyer, qui ne pèse que quelques grammes, au Global Hawk, de la taille d’un Airbus, l’imagination des fondus de technologie militaire n’a plus de limites. Dans les airs, mais aussi au sol et sous l’eau, ils mettent sans cesse au point de nouveaux outils, qui vont des robots démineurs aux robots brancardiers ou aux transporteurs de bardas, par exemple. Les services secrets américains ne jurent plus que par ces machines bourrées d’électronique, qui peuvent tester les défenses adverses, surveiller les frontières et, le cas échéant, éliminer des ennemis sans mettre en danger la vie des soldats américains. De plus, dans le cas des drones, elles coûtent moins cher que l’aviation classique.»

« Les Etats-Unis disposent d’environ 7000 drones. Et, selon le général Norton A. Schwartz, chef d’état-major de l’armée de l’air, pour la première fois de son histoire, en 2010, l’US Air Force va former plus d’opérateurs de drones que de pilotes de chasse. (...) Pour désigner les gens qui se dispersent en courant lorsqu’ils entendent ce bruit lointain de tondeuse à gazon, certains opérateurs de drones les comparent à des «insectes». Un vocable qui illustre assez bien la distance qui s’opère lorsque l’on tue par écran interposé. Dans un rapport d’un cercle de réflexion spécialisé dans le contre-terrorisme, New America Foundation, Peter Bergen et Katherine Tiedemann estiment que les drones frappent un tiers d’innocents, que l’armée américaine appelle des «dommages collatéraux». (...) Un homme a raconté au Guardian de Londres qu’il avait rapporté chez lui un morceau de chair qui était tout ce qui lui restait de son fils.» (3)

Voilà ce à quoi s’exposent au quotidien les talibans victimes pudiquement de «dommages collatéraux». Les Afghans forment une vieille civilisation. Ils sont harassés et fatigués de mourir tous les jours pour un pouvoir aussi pourri que les précédents. Malgré tout, l’armée américaine est enlisée dans le bourbier. Pourquoi les Etats-Unis s’entêtent-ils à exporter une démocratie aéroportée ; est- ce la condition de la femme afghane qui les émeut? L’Afghanistan occupe la 174e place sur 178 sur une liste de l’ONU classant les pays selon leur richesse. Est-ce la réalité? Quel serait en définitive la raison de cette guerre?

Pour Michel Chossudovsky, :

« La guerre contre l’Afghanistan est une «guerre de ressources» à but lucratif. Au vu des vastes réserves afghanes de gaz naturel et de pétrole, «la guerre en vaut la peine». Le bombardement et l’invasion de l’Afghanistan en 2001 ont été présentés à l’opinion publique mondiale comme une «guerre juste», une guerre contre les taliban et Al Qaîda, une guerre pour éliminer le «terrorisme islamique» et établir une démocratie à l’occidentale. Les dimensions économiques de la «guerre mondiale au terrorisme» (Gmat) sont rarement mentionnées et la «campagne de contre-terrorisme» post-11 septembre a servi à occulter les objectifs réels de la guerre des États-Unis et de l’Otan.»

« Selon un rapport conjoint du Pentagone, de l’US Geological Survey (Usgs) et de l’Usaid, on dit maintenant de l’Afghanistan qu’il possède des réserves minières inexploitées et «jusqu’alors méconnues», estimées péremptoirement à un billion de dollars. (New York Times, U.S. Identifies Vast Mineral Riches in Afghanistan - NYTimes.com, 14 juin 2010). Un mémo interne du Pentagone mentionne par exemple, que l’Afghanistan pourrait devenir «l’Arabie Saoudite du lithium», une matière première-clé dans la fabrication de piles pour les ordinateurs portables et les BlackBerrys. «Il existe ici un potentiel sensationnel», a affirmé le général David H. Petraeus, commandant de l’United States Central Command [...] «Il y a beaucoup de «si», bien sûr, mais je crois que cela est potentiellement très important». Est-ce que les découvertes sont récentes?»

Non, répond l’auteur qui poursuit :

« (...) Que l’administration états-unienne reconnaisse qu’elle a seulement pris connaissance des vastes richesses minières du pays après la publication du rapport de 2007 de l’Usgs, constitue une esquive flagrante. Les richesses minières et les ressources énergétiques de l’Afghanistan (incluant le gaz naturel) étaient connues à la fois des élites des milieux d’affaires et du gouvernement états-uniens avant la guerre soviéto-afghane (1979-1988). Des études géologiques menées par l’Union soviétique dans les années 1970 et au début des années 1980 confirment l’existence de vastes réserves de cuivre (parmi les plus grandes de l’Eurasie), de fer, de minerai à haute teneur en chrome, d’uranium, de béryl, de baryte, de plomb, de zinc, de fluorine, de bauxite, de lithium, de tantale, d’émeraude, d’or et d’argent (Afghanistan, Mining Annual Review, The Mining Journal, juin, 1984). «Ce n’est pas un secret que l’Afghanistan possède de riches réserves, particulièrement du cuivre au gisement d’Aynak, du minerai de fer à Khojagek, de l’uranium, du minerai polymétallique, du pétrole et du gaz» (RIA Novosti, 6 janvier 2002) : (...)»

«On dit de l’Afghanistan qu’il est un pays de transit pour le pétrole et le gaz. Toutefois, peu de gens savent que les spécialistes soviétiques y ont découvert d’énormes réserves de gaz dans les années 1960 et ont construit le premier gazoduc du pays pour approvisionner l’Ouzbékistan. Alors qu’on a nourri l’opinion publique d’images d’un pays en développement déchiré par la guerre et sans ressources, la réalité est tout autre : l’Afghanistan est un pays riche tel que le confirment les études géologiques de l’ère soviétique.» (4)

Partir ou rester?

On comprend mieux la stratégie américaine : terminer la guerre tout en y restant pour exploiter les richesses, quitte à s’entendre avec les taliban, comme l’écrit Ahmed Rashid. Ecoutons-le :

« A dix-huit mois du retrait américain, Washington, Islamabad et Kaboul cherchent à entamer des discussions avec les islamistes. Reste à créer les conditions favorables au dialogue. (...) Dernièrement, de hauts responsables de l’armée et des services de renseignements pakistanais ont proposé de servir d’intermédiaires dans les discussions entre les dirigeants taliban, les Américains et Karzaï. «Nous souhaitons que des pourparlers s’engagent dès maintenant - et pas dans dix-huit mois, quand les Américains partiront. Mais ces derniers doivent nous faire confiance et s’en remettre à nous», m’a déclaré un haut gradé pakistanais. (...) Mais parler avec les taliban ne peut pas se résumer à une simple coopération secrète entre services de renseignements ou au fait que la CIA verse des pots-de-vin aux commandants taliban pour qu’ils mettent bas les armes.» (5)

« Cet arrangement a alimenté un vaste racket de protection géré par un réseau opaque de chefs de guerre, de chefs de bande, de responsables afghans corrompus, et peut-être d’autres personnes», déclare le représentant démocrate John Tierney, président de la sous-commission. En sous-traitant à des entreprises privées la protection des convois américains d’armes et de ravitaillement en Afghanistan, le Pentagone finance indirectement les chefs de guerre et peut-être même les taliban, indique une enquête effectuée par une commission du Congrès et présentée par le New York Times.»(6)

La guerre en Afghanistan n’est pas une "guerre juste". C’est, à n’en point douter, une guerre atroce pour s’pour accaparer des matières premières. Les dommages en pertes humaines se chiffrent par milliers et ne font plus la différence entre les combattants -appelés dans la doxa occidentale des terroristes, alors que sous d’autres cieux ce sont des patriotes- et la population civile. Tout cela pour le confort de pays occidentaux dont Georges Bush nous disait que "le niveau de vie ne se négocie pas" Ainsi va le monde..

Notes-références

1. Mathilde Gérard : Obama réaffirme son autorité mais ne clarifie pas sa position sur l’Afghanistan. Le Monde.fr 24.06.10

2. Agata Kovacs. Les véritables raisons de l’éviction du général McChrystal par le président Obama 23 juin 2010, Mecanopolis

3. Sarah Daniel : La guerre des drones. Nouvel Obs 27. 05. 2010

4. Michel.Chossudovsky www.mondialisation.ca/index.php?context=va&aid=19884 24 06 10

5. Ahmed Rashid : L’heure est à la négociation avec les taliban. Courrier internat. 26.01.2010

6. Le Pentagone accusé de financer les chefs de guerre afghans. Le Monde.fr 22.06.10



Pr Chems Eddine Chitour, Ecole Polytechnique enp.edu .dz

vendredi 25 juin 2010

Les vastes réserves afghanes de gaz naturel et de pétrole : « la guerre en vaut la peine »
La guerre contre l’Afghanistan est une « guerre de ressources » à but lucratif


Mondialisation.ca, Le 24 juin 2010



Le bombardement et l’invasion de l’Afghanistan en 2001 ont été présentés à l’opinion publique mondiale comme une « guerre juste », une guerre contre les talibans et Al-Qaida, une guerre pour éliminer le « terrorisme islamique » et établir une démocratie à l’occidentale.


Les dimensions économiques de la « guerre mondiale au terrorisme » (GMAT) sont rarement mentionnées et la « campagne de contre-terrorisme » post-11 septembre a servi à occulter les objectifs réels de la guerre des États-Unis et de l’OTAN.


La guerre contre l’Afghanistan relève d’un programme à but lucratif : c’est une guerre de conquête économique et de pillage, une « guerre de ressources ».


Même si l’Afghanistan est reconnu comme un foyer stratégique en Asie centrale, aux frontières de l’ex-Union Soviétique, de la Chine et de l’Iran, au carrefour de routes de pipelines et d’importantes réserves de pétrole et de gaz naturel, son énorme richesse minière ainsi que ses réserves de gaz naturel inexploitées sont demeurées totalement inconnues du public étasunien jusqu’en juin 2010.

Selon un rapport conjoint du Pentagone, de l’US Geological Survey (USGS) et de l’USAID, on dit maintenant de l’Afghanistan qu’il possède des réserves minières inexploitées et « jusqu’alors méconnues », estimées péremptoirement à un billion de dollars. (New York Times, U.S. Identifies Vast Mineral Riches in Afghanistan - NYTimes.com, 14 juin 2010. Voir aussi BBC, 14 juin 2010).

« Les gisements jusqu’alors méconnus, dont de gigantesques filons de fer, de cuivre, de cobalt, d’or et de métaux industriels cruciaux comme le lithium, sont si grands et contiennent tant de minéraux essentiels à l’industrie moderne que les représentants étatsuniens croient que l’Afghanistan pourrait éventuellement être transformé en un des plus importants centres miniers du monde.

Un mémo interne du Pentagone mentionne par exemple que l’Afghanistan pourrait devenir « l’Arabie Saoudite du lithium », une matière première clé dans la fabrication de piles pour les ordinateurs portables et les BlackBerrys.

La vaste étendue de ces richesses minérales en Afghanistan a été découverte par une petite équipe de représentants du Pentagone et de géologues étasuniens. Le gouvernement afghan et le président Hamid Karzaï en ont été informés récemment, ont affirmé des officiels étasuniens

Bien que le développement d’une industrie minière puisse prendre de nombreuses années, le potentiel est si grand que des représentants et des dirigeants de cette industrie croient que cela pourrait attirer de gros investissements avant même que les mines soient profitables, en offrant des emplois qui pourraient distraire une population en guerre depuis des générations.

« Il existe ici un potentiel sensationnel », a affirmé le général David H. Petraeus, commandant de l’United States Central Command […] « Il y a beaucoup de « si », bien sûr, mais je crois que cela est potentiellement très important »

La valeur des gisements miniers nouvellement découverts minimise la taille de l’actuelle économie afghane, dilapidée par la guerre et largement basée sur la production d’opium et le trafic de narcotiques, ainsi que sur l’aide des États-Unis et d’autres pays industrialisés. Le produit intérieur brut de l’Afghanistan est seulement d’environ 12 milliards de dollars.

« Cela deviendra l’armature de l’économie afghane », a déclaré Jalil Jumriany, un conseiller du ministre afghan des Mines. (New York Times, op. cit.)

Selon le New York Times, l’Afghanistan pourrait devenir « l’Arabie Saoudite du lithium ». « Le lithium est une ressource de plus en plus cruciale, utilisée dans les piles de toutes sortes, des téléphones mobiles aux ordinateurs portables, et joue un rôle clé dans l’avenir de la voiture électrique ». À l’heure actuelle, le Chili, l’Australie, la Chine et l’Argentine sont les principaux fournisseurs de lithium sur le marché mondial. La Bolivie et le Chili sont les pays possédant les plus grandes réserves connues de lithium. « Le Pentagone effectue des levés au sol à l’ouest de l’Afghanistan. » Les représentants du Pentagone ont affirmé que leur analyse initiale à un emplacement dans la province de Ghazni a démontré un potentiel de gisements de lithium aussi grands que ceux de la Bolivie » (U.S. Identifies Vast Mineral Riches in Afghanistan - NYTimes.com, 14 juin, 2010, voir aussi Lithium - Wikipedia, l'encyclopédie libre)

« Gisements de minéraux jusqu’alors méconnus » en Afghanistan

L’« estimation » des « gisements jusqu’alors méconnus » à près d’un billion de dollars par le Pentagone est un écran de fumée utile. Le montant d’un billion avancé par le Pentagone est davantage forgé qu’estimé : « Nous savions ce qu’il y avait là, nous y avons jeté un coup d’œil et demandé ce que cela vaudrait aujourd’hui en termes monétaires. Le montant d’un billion semblait digne d’être signalé dans les nouvelles. » (The Sunday Times, Londres, 15 juin 2010, c’est l’auteur qui souligne)

De plus, les résultats d’une étude de l’USGS (cités dans le mémo du Pentagone) sur les richesses minières de l’Afghanistan ont été révélées il y a trois ans à une conférence organisée en 2007 par la Chambre de commerce américano-afghane. Toutefois, la question de ces richesses minières n’était pas considérée digne d’être signalée à la presse à l’époque.

Que l’administration étasunienne reconnaisse qu’elle a seulement pris connaissance des vastes richesses minières du pays après la publication du rapport de 2007 de l’USGS constitue une esquive flagrante. Les richesses minières et les ressources énergétiques de l’Afghanistan (incluant le gaz naturel) étaient connues à la fois des élites des milieux d’affaires et du gouvernement étasuniens avant la guerre soviéto-afghane (1979-1988).

Des études géologiques menées par l’Union Soviétique dans les années 1970 et au début des années 1980 confirment l’existence de vastes réserves de cuivre (parmi les plus grande de l’Eurasie), de fer, de minerai à haute teneur en chrome, d’uranium, de béryl, de baryte, de plomb, de zinc, de fluorine, de bauxite, de lithium, de tantale, d’émeraude, d’or et d’argent (Afghanistan, Mining Annual Review, The Mining Journal, juin, 1984). Ces études suggèrent que la valeur actuelle de ces réserves pourrait en effet être considérablement plus élevée que l’« estimation » d’un billion de dollars annoncée par l’étude du Pentagone, de l’USGS et de l’USAID.

Plus récemment, dans un rapport de 2002, le Kremlin a confirmé ce qui était déjà connu : « Ce n’est pas un secret que l’Afghanistan possède de riches réserves, particulièrement du cuivre au gisement d’Aynak, du minerai de fer à Khojagek, de l’uranium, du minerai polymétallique, du pétrole et du gaz » (RIA Novosti, 6 janvier 2002):

« L’Afghanistan n’a jamais été la colonie de quiconque : aucun étranger n’a jamais « creusé » ici avant 1950. Les minéraux se trouvent dans les montagnes de l’Hindu Kush, s’étendant, avec leurs contreforts, sur une vaste zone en Afghanistan. Dans les 40 dernières années, plusieurs douzaines de gisements ont été découverts dans le pays et la majorité de ces découvertes ont été sensationnelles. Elles sont toutefois demeurées secrètes, mais certains faits ont tout de même été rendus publics récemment.


Il se trouve que l’Afghanistan possède des réserves de métaux ferreux et non-ferreux, et de pierres précieuses qui, si elles étaient exploitées, pourraient possiblement même remplacer les revenus de l’industrie de la drogue. On dit du gisement de cuivre d’Aynak au sud de la province d’Helmand qu’il est le plus grand du continent eurasien et son emplacement (à 40 km de Kaboul) rend son exploitation bon marché. Le gisement de minerai de fer à Hajigak, dans la province centrale de Bamian, offre pour sa part du minerai d’une très grand qualité et dont les réserves sont estimées à 500 000 tonnes. Un gisement de charbon a également été découvert non loin de là.

On dit de l’Afghanistan qu’il est un pays de transit pour le pétrole et le gaz. Toutefois, peu de gens savent que les spécialistes soviétiques y ont découvert d’énormes réserves de gaz dans les années 1960 et ont construit le premier gazoduc du pays pour approvisionner l’Ouzbékistan. À l’époque, l’Union Soviétique recevait annuellement 2,5 billion de mètres cube de gaz afghan. Durant cette même période, on a découvert d’importants gisements d’or, de fluorine, de baryte et de marbre onyx d’une composition très rare.

Cependant, les gisements pegmatitiques découverts à l’est de Kaboul sont véritablement sensationnels. Des gisements de rubis, de béryllium, d’émeraude, de kunzite et d’hiddénite que l’on ne trouve nulle part ailleurs s’étendent sur des centaines de kilomètres. Par ailleurs, les pierres contenant les métaux rares que sont le béryllium, le thorium, le lithium et le tantale sont d’une importance stratégique (on les utilise dans la fabrication d’aéronefs et d’astronefs).

La guerre en vaut la peine (Olga Borisova, "Afghanistan - the Emerald Country", Karavan, Almaty, original en russe, traduit par BBC News Services, 26 avril 2002. p. 10, c’est l’auteur qui souligne.)

Alors qu’on a nourri l’opinion publique d’images d’un pays en développement déchiré par la guerre et sans ressources, la réalité est tout autre : l’Afghanistan est un pays riche tel que le confirment les études géologiques de l’ère soviétique.

La question des « gisements jusqu’alors méconnus » perpétue un mensonge. La grande richesse minérale est exclue d’un casus belli justifiable. Cet énoncé affirme que le Pentagone a seulement appris récemment que l’Afghanistan faisait partie des pays les plus riches en ressources minérales et qu’il est comparable à la République démocratique du Congo ou l’ex-Zaïre du temps de Mobutu. Les rapports géopolitiques soviétiques étaient connus. Durant la guerre froide, toute cette information était avouée dans les moindres détails :

[...] Lors de l’exploration soviétique à grande échelle, de superbes cartes géologiques ont été produites ainsi que des rapports dressant la liste de plus de 1400 affleurements minéraux et d’environ 70 gisements commercialement viables […] L’Union Soviétique a par la suite consacré plus de 650 millions de dollars à l’exploration et au développement de ressources en Afghanistan avec des projets incluant une raffinerie de pétrole capable de produire un demi million de tonnes annuellement, ainsi qu’un complexe métallurgique pour le gisement d’Aynak, lequel devait produire 1,5 millions de tonnes de cuivre par an. Dans la foulée du retrait des Soviétiques, une analyse subséquente de la Banque mondiale projetait que la production de cuivre d’Aynak pourrait éventuellement absorber annuellement à elle seule jusqu’à 2 % du marché mondial. Le pays jouit par ailleurs d’énormes gisements de charbon, dont l’un d’eux, le gisement de fer d’Hajigak dans la chaîne de montagnes de l’Hindu Kush à l’ouest de Kaboul, est jugé comme étant l’un des plus grands gisements à teneur élevée au monde. (John C. K. Daly, Analysis: Afghanistan's untapped energy, UPI Energy, 24 octobre 2008, c’est l’auteur qui souligne)

Le gaz naturel afghan

L’Afghanistan est un pont terrestre. L’invasion et l’occupation de l’Afghanistan menée par les États-Unis en 2001 a été analysée par des critiques de la politique étrangère étasunienne comme un moyen de sécuriser le contrôle du couloir de transport stratégique transafghan, liant le bassin de la mer Caspienne et la mer d’Oman.

Plusieurs projets de pipelines et de gazoducs transafghans ont été envisagés, dont le projet de pipeline TAPI (Turkménistan, Afghanistan, Pakistan, Inde) de 1900 km et d’une valeur de 8 milliards de dollars, lequel transporterait le gaz naturel turkmène par l’Afghanistan dans ce que l’on a décrit comme un « couloir de transit crucial ». (Voir Gary Olson, Afghanistan has never been the 'good and necessary' war; it's about control of oil, The Morning Call, 1er octobre, 2009). L’escalade militaire dans le cadre de la guerre étendue d’« Afpak » est liée au TAPI. Le Turkménistan possède la troisième plus grande réserve de gaz naturel après la Russie et l’Iran. Le contrôle stratégique des voies de transport sortant du Turkménistan fait partie des plans de Washington depuis l’effondrement de l’Union Soviétique en 1991.

Cependant, on a rarement considéré dans la géopolitique des pipelines que l’Afghanistan est non seulement voisin de pays riches en pétrole et en gaz naturel, (par exemple le Turkménistan), mais qu’il possède aussi sur son territoire d’assez grandes réserves inexploitées de gaz naturel, de charbon et de pétrole. Dans les années 1970, les Soviétiques évaluaient « les réserves gazières afghanes "explorées" (confirmées ou probables) à environ 5 billions de pieds cube. Les réserves initiales d’Hodja-Gugerdag étaient évaluées à un peu moins de 2 billions de pieds cube » (Voir, The Soviet Union to retain influence in Afghanistan, Oil & Gas Journal, 2 mai, 1988).

L'Agence d'Information sur l'Énergie (Energy Information Administration ou EIA) a reconnu en 2008 que les réserves de gaz naturel d’Afghanistan sont « substantielles » :

« Puisque le nord de l’Afghanistan est "une extension du sud du bassin centrasiatique très fécond d’Amu Darya, susceptible de contenir du gaz naturel", l’Afghanistan possède des réserves de gaz naturel confirmées et probables d’environ 5 billions de pieds cube. » (UPI, John C.K. Daly, Analysis: Afghanistan's untapped energy, 24 octobre, 2008)

Dès le début de la guerre soviéto-afghane en 1979, l’objectif de Washington a été de conserver un point d’ancrage géopolitique en Asie centrale.

Le trafic de drogue du Croissant d’or

La guerre clandestine des États-Unis, à savoir son soutien aux moudjahidines, « combattants de la liberté » (alias Al Qaida), était également destinée au développement du trafic des opiacés du Croissant d’or, utilisé par les services de renseignement étasuniens afin de financer l’insurrection contre les Soviétiques [1].

Instauré au début de la guerre soviéto-afghane et protégé par la CIA, le trafic de drogue est devenu au fil des ans une entreprise extrêmement lucrative de plusieurs milliards de dollars. Il s’agissait de la pierre angulaire de la guerre clandestine étasunienne dans les années 1980. Aujourd’hui, sous l’occupation militaire des États-Unis et de l’OTAN, le trafic de drogue génère des revenus monétaires de plus de 200 milliards de dollars dans les marchés occidentaux. (Voir Michel Chossudovsky, America's War on Terrorism, Global Research, Montreal, 2005, voir aussi Michel Chossudovsky, Heroin is "Good for Your Health": Occupation Forces support Afghan Narcotics Trade, Global Research, 29 avril 2007)

Vers une économie de pillage

En chœur, les médias étasuniens ont confirmé que la « récente découverte » des richesses minérales afghanes constitue « une solution » au développement de l’économie du pays, décimée par la guerre, ainsi qu’un moyen d’éliminer la pauvreté. L’invasion des États-Unis et de l’OTAN en 2001 ainsi que l’occupation, ont préparé le terrain pour l’appropriation de ces richesses par les conglomérats miniers et énergétiques occidentaux.

La guerre contre l’Afghanistan est une « guerre de ressources » à but lucratif

Sous l’occupation des États-Unis et des alliés, cette richesse minérale est vouée à être pillée par une poignée de conglomérats miniers multinationaux une fois que le pays sera pacifié. Selon les écrits d’Olga Borisova suivant l’invasion d’octobre 2001, « la guerre contre le terrorisme », menée par les États-Unis, « [sera transformée] en politique coloniale influençant un pays formidablement riche ». (Borisova, op cit).

Une partie du plan des États-Unis et de l’OTAN est également de prendre tôt ou tard possession des réserves de gaz naturel de l’Afghanistan, ainsi que de prévenir le développement des intérêts énergétiques russes, iraniens et chinois dans le pays.




Pour voir la carte des ressurces minières, cliquez ici.

Note

1. Le trafic des opiacés du Croissant d’or constitue à l’heure actuelle la pièce maîtresse de l’économie d’exportation de l’Afghanistan. Le trafic d’héroïne, institué au début de la guerre soviéto-afghane en 1979 et protégé par la CIA, génère des revenus monétaires dépassant les 200 milliards de dollars par an dans les marchés occidentaux. Depuis l’invasion de 2001, la production de narcotiques en Afghanistan s’est accrue de plus de 35 fois. En 2009, la production d’opium se chiffrait à 6900 tonnes, comparativement à moins de 200 tonnes en 2001. À cet égard, les revenus de plusieurs milliards de dollars résultant de la production afghane d’opium sont générés en grande partie à l’extérieur du pays. D’après les données des Nations Unies, les revenus du trafic de drogue revenant à l’économie locale sont de l’ordre de 2 à 3 milliards annuellement, comparativement aux ventes mondiales d’héroïne provenant du trafic d’opiacés afghans, lesquelles dépassent 200 milliards. (Voir Michel Chossudovsky, America's War on Terrorism", Global Research, Montréal, 2005)

Article original en anglais, "The War is Worth Waging": Afghanistan's Vast Reserves of Minerals and Natural Gas, The War on Afghanistan is a Profit driven "Resource War" publié le 16 juin 2010.

Traduction par Julie Lévesque pour Mondialisation.ca.


Michel Chossudovsky est directeur du Centre de recherche sur la mondialisation et professeur d'économie à l'Université d'Ottawa. Il est l'auteur de Guerre et mondialisation, La vérité derrière le 11 septembre et de la Mondialisation de la pauvreté et nouvel ordre mondial (best-seller international publié en 12 langues).



Guerre et mondialisation

mardi 8 juin 2010

Afghanistan : lourdes pertes pour les troupes d’occupation

mardi 8 juin 2010 -

Al Jazeera


[Et s’il était exact - comme le pense le commandement militaire américain - que les troupes US, où qu’elles soient, payent indirectement le prix des exactions et de l’impunité israéliennes ? - N.d.T]
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Combattants Talibans

Dix soldats de l’OTAN ont été tués dans l’une des journées les plus meurtrières pour les forces étrangères en Afghanistan ce mois-ci.

Cinq d’entre eux ont été tués par un engin explosif improvisé [IED] dans l’est de l’Afghanistan, selon un communiqué de l’ISAF [Otan International Security Assistance Force]. Ces cinq victimes étaient des soldats américains.

Dans un incident séparé, ce lundi, un soldat a été tué par balles dans l’est de l’Afghanistan, et un autre a été tué par une bombe dans le sud.

Encore trois autres soldats ont été tués dans des attaques à travers le pays. Isaf a indiqué que sept des dix victimes étaient des Américains.

[Un sous-officier français du 2e régiment étranger de parachutistes de Calvi fait partie des victimes, trois autres soldats français étant blessés. Le soldat a été tué au cours d’une opération de reconnaissance déclenchée lundi au sud de Tagab « alors qu’il participait à une mission de couverture », lit-on dans un communiqué de la présidence française - N.d.T]

C’était la journée la plus meurtrière pour les forces de l’Otan depuis le 26 octobre dernier, où 11 soldats américains avaient été tués.

L’ambassade américaine à Kaboul, la capitale afghane, a déclaré que deux civils ont également été tués dans une attaque contre un centre de formation de la police à Kandahar.

Le ministère afghan de l’Intérieur a déclaré que trois kamikazes ont pris d’assaut l’établissement. L’un d’entre eux a fait exploser sa bombe devant la porte, faisant un trou dans le mur. Les deux autres se sont précipités à l’intérieur et ont commencé à tirer. Ils ont été tués dans la fusillade. Trois policiers afghans ont été blessés.

Une des deux personnes tuées, un instructeur de la police, était un ressortissant des États-Unis. L’autre était un homme d’origine népalaise travaillant comme gardien de sécurité.

8 juin 2010 - Al Jazeera - Vous pouvez consulter cet article à :
http://english.aljazeera.net/news/a...
Traduction : Info-Palestine.net




mardi 1 juin 2010

Israël s’incruste en Irak

par Gilles Munier

(Afrique Asie – juin 2010)

Israël s’est vite rendu compte que les Etats-Unis perdraient la guerre d’Irak, et que les projets d’établissement de relations diplomatiques et de réouverture du pipeline Kirkouk- Haïfa promis par Ahmed Chalabi, étaient illusoires. Ariel Sharon a alors décidé, selon le journaliste d’investigation Seymour Hersh, de renforcer la présence israélienne au Kurdistan irakien afin que le Mossad puisse mettre en place des réseaux qui perdureraient dans le reste du pays et le Kurdistan des pays voisins, quelle que soit l’issue des combats.

Programme d’assassinats

La participation israélienne à la coalition occidentale ayant envahi l’Irak est loin d’être négligeable, mais demeure quasiment secrète. Les Etats-Unis ne tiennent pas à ce que les médias en parlent, de peur de gêner leurs alliés arabes et de crédibiliser leurs opposants qui dénoncent le "complot américano-sioniste" au Proche-Orient.

Des Israéliens ne sont pas seulement présents sous uniforme étasunien, sous couvert de double nationalité, ils interviennent dès 2003 comme spécialistes de la guérilla urbaine à Fort Bragg, en Caroline du Nord, centre des Forces spéciales. C’est là que fut mise sur pied la fameuse Task Force 121 qui, avec des peshmergas de l’UPK (Talabani), arrêta le Président Saddam Hussein. Son chef, le général Boykin se voyait en croisé combattant contre l’islam, « religion satanique ». C’était l’époque où Benyamin Netanyahou se réunissait à l’hôtel King David à Jérusalem avec des fanatiques chrétiens sionistes pour déclarer l’Irak : « Terre de mission »... En décembre 2003, un agent de renseignement américain, cité par The Guardian, craignait que la "coopération approfondiie" avec Israël dérape, notamment avec le " programme d’assassinats en voie de conceptualisation ", autrement dit la formation de commandos de la mort. Il ne fallut d’ailleurs pas attendre longtemps pour que le premier scandale éclate. En mars 2004, le bruit courut que des Israéliens torturaient les prisonniers d’Abou Ghraib, y mettant en pratique leur expérience du retournement de résistants acquise en Palestine. Sur la BBC, le général Janis Karpinski, directrice de la prison révoquée, coupa court aux dénégations officielles en confirmant leur présence dans l’établissement pénitentiaire.

La coopération israélo-américaine ne se développa pas seulement sur le terrain extra-judiciaire avec la liquidation de 310 scientifiques irakiens entre avril 2003 et octobre 2004, mais également en Israël où, tirant les leçons des batailles de Fallujah, le Corps des ingénieurs de l’armée étasunienne a construit, dans le Néguev, un centre d’entraînement pour les Marines en partance pour l’Irak et l’Afghanistan. Ce camp, appelé Baladia City, situé près de la base secrète de Tze’elim, est la réplique grandeur nature d’une ville proche-orientale, avec des soldats israéliens parlant arabe jouant les civils et les combattants ennemis. D’après Marines Corps Time, elle ressemble à Beit Jbeil, haut lieu de la résistance du Hezbollah à l’armée israélienne en 2006…

Les « hommes d’affaire » du Mossad

En août 2003, l’Institut israélien pour l’exportation a organisé, à Tel-Aviv, une conférence pour conseiller aux hommes d’affaires d’intervenir comme sous-traitants de sociétés jordaniennes ou turques ayant l’aval du Conseil de gouvernement irakien. Très rapidement sont apparus en Irak des produits sous de faux labels d’origine. L’attaque par Ansar al-Islam, en mars 2004, de la société d’import-export Al-Rafidayn, couverture du Mossad à Kirkouk, a convaincu les « hommes d’affaires » israéliens qu’il valait mieux recruter de nouveaux agents sans sortir du Kurdistan, mais elle n’a pas empêché les échanges économiques israélo-irakiens de progresser. En juin 2004, le quotidien économique israélien Globes évaluait à 2 millions de dollars les exportations vers l’Irak cette année là. En 2008, le site Internet Roads to Iraq décomptait 210 entreprises israéliennes intervenant masquées sur le marché irakien. Leur nombre s’est accru en 2009 après la suppression, par le gouvernement de Nouri al-Maliki, du document de boycott d’Israël exigé des entreprises étrangères commerçant en Irak, véritable aubaine pour les agents recruteurs du Mossad.