dimanche 30 janvier 2011

  Le Kurdistan irakien indépendant en 2016?

Par Gilles Munier (Afrique Asiefévrier 2011)
 
   Massoud Barzani ne croit pas que les Arabes et les Turcomans accepteront de rattacher Kirkouk au Kurdistan irakien, ou les territoires qu’il revendique dans les régions de Mossoul et de Diyala. Le 11 décembre 2010, au congrès du Parti Démocratique Kurde qu’il dirige – en présence de Nouri al-Maliki et de Iyad Allaoui - il a déclaré que le Kurdistan avait « droit à l’autodétermination », c'est-à-dire, tout le monde l’a compris, à l’indépendance. Parag Khanna, ancien conseiller de Barack Obama en matière de gouvernance mondiale - et des forces spéciales en Irak en 2007 – avance même une date : 2016. Ainsi, dit-il, les champs gaziers du Kurdistan irakien - dont la production est estimée à 9 milliards de m3 par an – pourront être raccordés au futur pipeline Nabucco destiné à réduire la dépendance de l’Europe à l’égard de la Russie. Avec ses 45 milliards de barils de brut de réserve, l’Etat kurde serait alors le 6ème producteur de pétrole mondial. En attendant, fin décembre 2010, le Gouvernement régional kurde (KRG) a envoyé 10 000 peshmergas à Bagdad pour protéger Jalal Talabani et les officiels kurdes, en cas de coup d’Etat.
 
Par Gilles Munier

samedi 29 janvier 2011

  Jacques Vergès et la défense de Saddam Hussein et de Tarek Aziz

Extrait de l’interview de Jacques Vergès (Afrique Asie - février 2011)
Dossier : Jacques Vergès, l’anticolonialiste (20 pages)
Dans les kiosques ou sur : http://www.afrique-asie.fr
Propos recueillis par Gilles Munier et Majed Nehmé
 
Vous avez pris la défense du Président Saddam Hussein, en faisant partie du groupe d’avocats constitué à cet effet, puis vous vous en êtes retiré : pourquoi ?
   J’ai accepté la défense de Saddam Hussein à la demande d’une dizaine de membres de sa famille que j’ai rencontrés à Paris, Genève et Sanaa, au Yémen*.
    Je me suis retiré à partir du moment où une de ses filles, qui était l’invitée d’honneur du Roi de Jordanie, s’est prononcée contre ma présence et pour celle d’autres personnes. J’ai pensé que la famille étant divisée à ce moment là, la défense était handicapée et je ne voulais pas m’imposer dans une défense qui était vouée à l’échec.
Mais vous aviez eu le temps d’entreprendre des démarches…
   Oui, j’avais fait une démarche auprès du Président de la République, en France, et auprès des ambassades du Royaume uni, des France et de la Russie, sur le respect des droits de l’homme dans les procès qui allaient s’ouvrir en Irak. J’étais également l’avocat pressenti de Tarek Aziz.
   J’avais reçu une réponse un peu formelle de la Russie et, surtout, une lettre très détaillée de M. Gourdeau-Montagne, conseiller diplomatique du Président Chirac. Il me disait que l’Irak était partie prenante au Pacte international sur les droits civiques qui prévoyaient la liberté de la défense et il était tenu de respecter des règles élémentaires dans ce domaine ; règles qui de toute évidence n’étaient, selon moi, pas respectées.
Ces démarches pourraient-elles être relancées en direction du gouvernement français ?
   Je pense que la rupture dont parlait le candidat Nicolas Sarkozy ne concerne ni la politique étrangère ni les intérêts de la France. La France est partie prenante au Pacte sur les droits civiques, elle se doit de faire respecter les obligations qu’il implique. Et, il y a une continuité de l’Etat.
Pouvez-vous nous parler de la défense de Tarek Aziz ?
   J’ai demandé un visa à l’ambassade d’Irak à Paris. Je ne l’ai pas eu. J’ai fait une démarche auprès des Américains pour qu’ils m’autorisent à rencontrer Tarek Aziz, bien sûr je n’ai pas obtenu cette autorisation, de sorte que je me suis contenté de prendre publiquement position à travers l’obligeance des Amitiés franco-irakiennes en rendant publique une lettre ouverte aux juges de Tarek Aziz. Je leur ai dit que s’ils prononçaient la peine de mort, la condamnation serait illégale comme illégale était la condamnation à mort du Président Saddam Hussein.
Illégales, pourquoi ?
   Parce que la jurisprudence internationale dit que s’il existe une loi au moment de faits reprochés, fondés ou pas, prononçant des peines lourdes, et que la même loi existe au moment du jugement, mais qu’entre-temps une loi intermédiaire plus clémente a été en vigueur, c’est la loi intermédiaire qui doit s’appliquer. Or, entre les faits reprochés au Président Saddam Hussein qui étaient passibles de la peine de mort, au cas où ils auraient été fondés, et le moment où il a été jugé, il y a eu une période pendant laquelle les Américains ont suspendu la peine de mort. Si Saddam Hussein avait été jugé pendant cette période intermédiaire, on n’aurait pas pu le condamner à mort. Dans ce cas là dit la jurisprudence internationale, c’est la loi intermédiaire qui doit s’appliquer.
   Les condamnations à la peine capitale de Tarek Aziz, de Saadoun Shaker et de trois autres anciens dirigeants irakiens, n’auraient pas, non plus, dues être prononcées.
* Après l’arrestation du Président Saddam Hussein, Jacques Vergès avait constitué un groupe de quatorze avocats dont faisait partie Maître Amar Bentoumi, ancien bâtonnier d’Alger, ancien ministre de la Justice, membre du Collectif des avocats du FLN pendant la guerre d’indépendance.
Appendice :
Réduire Tarek Aziz au silence
   « Tarek Aziz connaît trop de secrets compromettants », dit Jacques Vergès, « il faut le faire taire définitivement mais, avant de le pendre et le faire taire à jamais, le Tribunal est là pour le condamner déjà au silence. Comme me l’écrivait M. Gourdault-Montagne* au nom de M. Chirac que j’avais saisi en son temps des conditions de détention de M. Tarek Aziz : « S’agissant des garanties judiciaires auxquelles peut prétendre M. Tarek Aziz, je relève que l’Irak est partie au Pacte des Nations Unies de 1966 sur les droits civils et politiques qui reconnaît à toute personne le bénéfice de garanties judiciaires procédurales. 
   Les autorités irakiennes ont, certes, le droit d’adopter des mesures qui dérogeraient aux obligations qu’impose cet instrument mais seulement en cas de danger public exceptionnel menaçant l’existence de la Nation et sous réserve de l’accomplissement de certaines formalités d’information des autres parties au Pacte, par l’intermédiaire du Secrétaire Général des Nations Unies. Or, à ce jour, les autorités iraquiennes n’ont pas signalé aux autres Etats parties l’adoption de mesures dérogatoires. M. Tarek Aziz bénéficie donc, dans ses relations avec les autorités iraquiennes, de la protection que lui offre le Pacte des Nations Unies de 1966 précité. »

 
Texte intégral dans Afrique Asie (février 2011)
 
Par Gilles Munier

dimanche 9 janvier 2011

Interdiction faite à Maître Badie de s'entretenir avec Tarek Aziz

   Interviewé par le site kurde Rudaw (1), Maître Badie Aref, principal avocat irakien de Tarek Aziz, raconte le voyage qu’il a effectué à Bagdad, en décembre 2010, pour rencontrer les anciens dirigeants dont il assure la défense.
   Maître Badie réside depuis quelques années en Jordanie, où il s’est réfugié après avoir été menacé de mort. Il envisage de s’installer au Kurdistan irakien.
   Les autorités judiciaires irakiennes ont refusé qu’il s’entretienne avec Tarek Aziz - à qui il comptait expliquer pourquoi il se retirait de son équipe de défense – ainsi qu’avec Saadoun Shaker (2)ministre de l’Intérieur dans les années 80 – et Abed Hamoud, secrétaire du Président Saddam Hussein. En revanche, il a été autorisé à voir Abdul-Ghani Abdul-Ghafoor, condamné à mort en même temps que ces derniers.
Etat de santé des détenis préoccupant
   Maître Badie a pu également s’entretenir avec 16 anciens dirigeants détenus, parmi lesquels Muhammad Mehdi Saleh (ancien ministre du Commerce), Hamid Youssef Hamadi (ancien ministre de la Culture), Mahmoud Diyab Ahmed (ancien ministre de l’Intérieur), Zuher Naqeeb (ancien chef des services secrets), Walid H. Tofiq (un des dirigeants de la Garde républicaine), et Latif Mahal Hamoud (ancien gouverneur de Bassora).
   L’état de santé de plusieurs détenus est préoccupant, dit Maître Badie. Saadoun Shaker a eu trois crises cardiaques et n’est soigné que par une infirmière. Saadi Toa’ma Jaboori (ancien ministre du Travail et des Affaires sociales), Sabaawi Ibrahim al-Hassan (demi-frère de Saddam Hussein), Fazil Abbas Amri (haut dirigeant baasiste), Abdul-Ghani Abdul-Ghafoor, et Farhan Mutlaq Jubouri (ancien chef des renseignements militaires), ont un cancer. Zuher Naqib (ancien chef des services secrets) a complètement perdu la vue.
Libérer tous les détenus politiques
   Maître Badie pense que Tarek Aziz échappera à la pendaison - en raison des interventions en sa faveur du Vatican et de plusieurs pays occidentaux - mais pas les autres dirigeants condamnés à mort. Il a demandé à Jalal Talabani et Massoud Barzani d’insister pour que Saadoun Shaker soit hospitalisé, et espère qu’ils obtiendront la commutation de certaines peines capitales.
   Maître Badie, qui annonce la sortie de ses mémoires, pense voir Tarek Aziz lors d’un prochain voyage en Irak (3). Il envisage de tenir une conférence de presse à Paris, en compagnie de Maître Jacques Vergès, au cours de laquelle il produira des documents démontrant que la « Haute cour pénale » est illégale et réclamera la libération de tous les détenus politiques.
 
 (1) Saddam’s lawyer predicts Tariq Aziz will escape execution
http://www.rudaw.net/english/news/iraq/3394.html
 
(2) Saadoun Shaker condamné à mort par pendaison. Son épouse parle…
http://www.france-irak-actualite.com/article-saadoun-shaker-condamne-a-mort-par-pendaison-son-epouse-parle-60752434.html
 
(3) Maître Badie Aref  affirme qu’« on » l’a convaincu de continuer à défendre Tarek Aziz, malgré la décision de sa famille de se passer de lui.
 
Par Gilles Munier

samedi 8 janvier 2011

  Ziad Aziz demande à Al-Maliki de faire preuve de miséricorde 
 
   Tarek Aziz n’aurait plus que « deux ou trois mois à vivre », selon Ziad, son fils réfugié à Amman, dans une interview téléphonique accordée par Bloomberg Businessweek.com (1). Son père, affirme-t-il, ne pourrait plus « ni parler, ni marcher ». Il ne sait pas s’il a reçu les médicaments qu’il lui a envoyés.
   Ziad Aziz, conseillé par Maître di Stefano (2), demande au nouveau gouvernement irakien de faire preuve de « miséricorde », comme l’aurait fait la Grande-Bretagne en renvoyant en Libye Abdel Basset al-Megrahi (3), condamné à la prison à vie pour l'attentat, le 21 décembre 1988, contre le vol Pan Am 103 qui s’est écrasé sur la ville de Lockerbie, en Ecosse (439 morts).
   Si un « geste humanitaire » est fait en faveur de Tarek Aziz, ce ne sera certainement pas par « miséricorde », mais à la suite de marchandages sordides au sein du régime de Bagdad et du développement de la campagne multiforme réclamant sa libération.
 
(1) Iraq’s Aziz may die in months, must be freed, son says (Bloomberg Businessweek.com - 7/1/11)
(2) Giovanni di Stefano, avocat italien controversé, longtemps basé à Londres.
(3) Abdel Basset al-Megrahi, chef de la sécurité de Libyan Arab Airlines, a toujours clamé son innocence. Il a été libéré en août 2009 après 8 ans d’incarcération, des médecins ayant certifié qu’il n’avait plus que trois mois à vivre. Pour de nombreux observateurs, la Libye n’est pour rien dans l’attentat. L’opération contre l’avion de la Pan Am était une réponse de Téhéran aux Etats-Unis qui avaient abattu cinq mois plus tôt un Airbus d’Iran Air au-dessus du Golfe arabe, pendant la guerre Iran-Irak (290 morts).
 
Par Gilles Munier